10 ans avant la tuerie de Columbine aux USA, un individu pénétrait armé dans l’Ecole Polytechnique de Montréal, pour y cibler des femmes. Une tuerie de masse qui a beaucoup marqué le Canada, à tel point que l’on sent encore le sujet très sensible, lorsque Denis Villeneuve le traite 20 ans plus tard dans son film.
« Polytechnique » évoque ce massacre avec sobriété, s’attachant à suivre la journée du tueur, et celle de deux personnages fictifs. Le réalisateur s’est semble-t-il beaucoup documenté sur les événements, mais a préféré ne pas mettre en scène de victimes réelles par respect pour les familles. L’approche est ainsi différente de « Elephant » de Gus Van Sant, d’autant que l’on est somme tout assez loin du style documentaire.
En effet, le noir et blanc peut être perçu comme un procédé visuel avec un aspect « historique », mais il permet ici de marquer la distance avec l’événement, notamment en atténuant considérablement l’impact visuel du sang. Cela n’enlève rien à la puissance des scènes de fusillades, qui jouent sur un montage sonore percutant (le bruit de la carabine du tueur détonne complètement dans le brouhaha universitaire), et un mélange de temporalités et de points de vue. On notera aussi plusieurs effets de style (qui parfois semblent toutefois un peu surfaits) tels que des plans à l’envers, évoquant les repères bouleversés des protagonistes.
Le scénario en profite pour aborder les questions de la discrimination sexuelle et de la féminité, qui étaient visiblement au cœur des motivations du tueur. Plusieurs réflexions pertinentes sont ainsi amenées, et complètent ce drame poignant.