Je n'aurai jamais pu penser que les débuts de Denis Villeneuve soient aussi prometteurs. Ses quatre derniers films ont démontré toute sa maîtrise et son savoir faire dans la construction dramatique et la mise en scène, mais ce Polytechnique était déjà un fort grand indice des capacités du bonhomme. Le film est très court (1h15), pourtant, on a l'impression de sortir d'un film de 2h, pas parce que celui ci suscite l'ennui, mais parce qu'en un court laps de temps, Villeneuve construit un trio de personnages que l'on voit évoluer, au sein d'allers et retours dans le temps, tous réunis par un seul et même événement : la tuerie à l'arme à feu d'un étudiant à l'école Polytechnique de Montréal le 6 décembre 1989. Cependant, le film est une fiction, s'inspirant de faits réels certes, mais celui ci reste bel et bien une fiction.
Polytechnique m'a beaucoup fait penser à Sicario par moments, notamment dans sa gestion de la violence et son jeu avec le champ / hors-champ; le bien et le mal, limite manichéen, Villeneuve se positionne en tant que scénariste mais également dramaturge du cinéma contemporain, comme nous le verrons également dans Incendies, Enemy, Prisoners ou encore Sicario. Ses films sont pétris d'une grande "fatalité", et ce film ne déroge pas à la règle. Certains trouveront l'effet facile, je considère personnellement qu'il contient le parfait dosage entre réalisme et fiction. Le noir est blanc est magnifique, crémeux, à mi chemin entre le surréalisme poétique de ses deux premiers films et le réalisme de ses quatre suivants, la photo en elle même est extraordinaire, proposant des cadrages extrêmement propres, des mouvements de caméra maîtrisés et plus que pertinents. Enfin, ce qui fait l'une des grandes forces du film, c'est l'interprétation de ses comédiens principaux, qui nous captivent à la seconde où ils apparaissent à l'écran.
Un grand film, meilleur qu'Elephant selon moi (qui traitait du même thème) car en position de quasi antithèse, qui n'a pas eu le succès qui'il mérite.
A voir de toute urgence !