2014 est une année riche de promesses, et chacune de ses semaines semble avoir son navet: c'est simple, chaque mercredi, c'est un peu Noël, et la perspective de retrouver Paul W.S. Anderson aux manettes d'un blockbuster en 3D sur la chute de Pompéi, c'est un peu comme ce gigantesque paquet qui, sous le sapin, cristallisait tous nos fantasmes d'enfants. Bon, à mieux considérer une certaine vérité historique, sachant que l'éruption du Vésuve, ou du moins sa phase la plus meurtrière, a dû durer en tout et pour tout 1m30, et que les informations manquent quant à son déroulement (à part à prendre au pied de la lettre les auteurs romains, qui parlent aussi de titans jaillissant de la lave en fusion), le spectateur averti est plus ou moins en droit de se demander ce qu'un film d'une heure trente sur une catastrophe aussi concise peut bien avoir à raconter.
Ce mystère persistant, Pompéi le lève en nous emmenant tout d'abord en Britannia, où les romains pètent sévèrement la gueule des Celtes. Le seul survivant du massacre, un petit garçon qui se fait la promesse de venger sa famille anéantie, devient un guerrier, et fini vendu des années plus tard à un notable de Pompéi, non sans s'être littéralement métamorphosé en bellâtre musculeux au regard bovin. Sur le chemin, il s'amourache et réciproquement de Cassia, une fille de bonne famille qui a décidé de fuir Rome après qu'un de ses sénateurs s'est montré un peu trop attiré par son mont de vénus. Il y retrouve par la même occasion les meurtriers de sa famille, qui n'ont pas pris une ride en deux décennies, et tout ce beau monde commence à se tirer la bourre autour de la figure psychotique de Kiefer Sutherland qui semble s'être perdu là après avoir emprunté par erreur la cabine de Doctor Who. Dit comme ça, ça a l'air génial, sauf qu'en fait, c'est surtout l'occasion pour les scénaristes d’amadouer les petites filles de moins de quinze ans en foutant des chevaux en détresse un peu partout, tandis que pour les filles plus âgées, ce sont les abdos de Kit Harrington (plus fade encore que Chris Pine! QUEL PRODIGE!) qui prennent le relais. Je suggère d'ailleurs que ces derniers soient crédités au générique en tant qu'interprètes à part entière, un peu comme les biceps de Chris Hemsworth dans Thor ou le (faux) postérieur de Pénélope Cruz dans Volver.
L'exposition est donc consacrée à poser les bases du drame, et à tenter de donner du sens à tout ça. Le dissentiment politique de Milo (c'est le nom des abdos) et de Cassia vis-à-vis de Rome, qui ressemble à s'y méprendre à une grosse crise d'adolescence mal contenue par la testostérone ovarienne (oui, moi je révolutionne la biologie, ne vous déplaise) permet au film de tenir jusqu'au bout la métaphore filé de la supériorité toute américaine de l'état décentralisé sur l'état centralisé. C'est vache pour notre mère patrie France et c'est complètement biaisé, mais compte tenu du contexte, c'est pas totalement impertinent non plus, et le film a le mérite de ne jamais lâcher la corde. Après, la surcouche romantique est évidemment complètement mal venue, la psychologie des personnages se résume aux supplications hormonales de collégiens de cinquième, il n'y a aucune alchimie entre les acteurs tous échappés de sombres DTV ou de séries télévisées (prenons-nous la main et prions pour le salut d'Emily Browning) et les personnages noirs ont soit une fâcheuse tendance à tomber comme des merdes dans des trous, soit à se sacrifier avec une allégresse tout coloniale pour la cause blanche (mais ce n'est pas si grave, les personnages blancs étant au moins aussi stupides si ce n'est plus). Le script n'aligne cependant pas que les déconvenues, et ainsi la rébellion un peu forcée mais galvanisante de Cassia (mais qui a parlé de Rose dans Titanic?) est plutôt bienvenue, au même titre que la fin, faux happy end sous forme d'esbroufe sentimentale, au final complètement en accord avec la direction artistique du long métrage totalement à côté de la plaque.
Car oui, objectivement, dans Pompéi, rien ne va. La mise en scène est vilaine et complètement prévisible, même si elle compte au rang de ses rares bonnes idées de représenter les spectacles de gladiateurs non pas comme de simples tueries, mais comme de véritables shows scénarisés. La reconstitution se limite à quelques panoramas et une arène en CGI, une place de la cité en carton pâte et la villa de Cassia, qui a d'ailleurs le bon goût d'être la seule pile au pied du Vésuve (ah! ah! ah!). Les costumes ne sont pas en restes et donnent dans l'exhibition saugrenue des attributs de Kit Harrington et d'Emily Browning, avec notamment un trikini doré pas piqué des vers qui rappellera les plus libidineux au lointain souvenir de la princesse Leia. Enfin, les effets spéciaux sont indigents et la 3D complètement inutile, le tout combiné donnant l'impression par instant de regarder une pub Abercrombie & Fitch insérée sur les panoramas de Myst.
Mais en dépit de toutes ces maladresses, parce qu'il embrasse sa nature de série Z sans trop tomber dans la posture mercantile de, à tout hasard, La Colère des Titans (lolmdr) ou Battleship, Pompéi arrive parfaitement à provoquer l'euphorie attendue face à un divertissement de cette ampleur. Plus fun qu'American Bluff, quand même, plus romantique que la Belle et la Bête, ce qui est le comble de l'année, et mieux mis en scène que The Ryan Initiative (ahah ok ça c'était joker, difficile de faire pire), Pompéi est une cristallisation de cinéma pop-corn et ouvertement imbécile qu'on osait plus espérer à si grande échelle depuis l'élévation du blockbuster au rang d'objet de culte. Un petit obus de fun décomplexé qui espérons-le, atteindra la TNT en vitesse pour prendre la place de la 165ème rediffusion de Glee. Parce que quitte à laisser notre cerveau couler par nos oreilles maltraitées, autant y prendre un minimum de plaisir.
PS. Oui, il y a bien eu un Tsunami lors de l'éruption du Vésuve, dans la baie de Naples. J'ai personnellement décidé de faire comme si j'étais déjà parfaitement au courant, parce qu'admettre qu'un film de Paul W.S. Anderson ait pu m'apprendre quelque chose, c'est au-delà de mes forces.