Connaissez-vous la thalassoponyothérapie ? Asseyez-vous. Pour une première séance, ne dépassez pas trois minutes.
Je ne me lasse pas des premières scènes de Ponyo sur la falaise. Vous êtes poisson. Je suis la mer. À moins que ce ne soit l’inverse. Tout y est beauté, calme et volupté. La musique symphonique, la grâce marine et iodée, la délicatesse infinie d’une nature assagie, apaisée, végane et irénique. Les poissons et les méduses sont mes amis. Les bestioles et le bestiaire rampants, flottants, ondulants jouent dans l’onde. La mer est belle, la lumière surnaturelle. Stoppez vite la projection. Car, sans transition, la trop humaine pollution déferle à l’écran. Je tousse, pleure, crache. Putain d’humains !
Ceci dit, réduire Ponyo sur la falaise à sa séquence d’ouverture serait un affront au Maître. Ponyo est un poisson à demi-humain, qui à force de la volonté, va se faire petite d’homme. Bousculant conventions, interdits et coutumes, faisant fi des ordres de son sorcier de père, des équilibres cosmiques et des risques encourus : « Ponyo veut des mains et des pieds ! »
Ponyo s’adresse au bambin naïf qui sommeille, ou devrait sommeiller, en chacun de nous. Ponyo aime et se donne les moyens de rejoindre l’objet de son amour, quitte à affronter son père, à fâcher sa mère et à mettre en péril, involontairement, la pérennité du monde. L’amour enfantin ne compte pas et ne triche pas. Miyazaki demeure réaliste, l’enfant ne peut pas tout, tout seul. La réussite de sa quête exigera l’aval d’une divinité bienveillante, ici la mère océan, et, plus difficile encore, l’amour sans condition d’un être humain.
Dans un monde de l’animation voué au manichéen et au simpliste, les personnages de Miyazaki revendiquent leur complexité, conservant leur part de mystère. Les pensionnaires accablées de la maison de retraite reprennent gout à la vie. Le sympathique père de Ponyo se révèle un misanthrope sorcier, voire un savant fou décidé à éradiquer l’espèce humaine, comme au bon vieux temps du Cambrien. Il se laissera attendrir.
Tout est grâce.
• La charmante scène de colère amoureuse, Lisa abandonnée sur le canapé.
• Les messages par signaux lumineux de Sosuke à son père marin, une idée reprise avec les drapeaux « flottants » de La Colline aux coquelicots de Goro.
• Le cimetière de bateaux, l’équivalent marin du panthéon aérien de Porco Rosso.
• Sans effets spéciaux, mais par le seul travail du crayon, la mer déferle, les poissons jaillissent, Ponyo court sur le tempête sur la musique triomphante de Joe Hisaishi, aux faux airs wagnériens.
• Les ombres paisibles et désormais familières des monstres marins, arpentants, nageants et flottants.
Pas belle la vie ?
https://www.senscritique.com/liste/Filmographie_commentee_de_Hayao_Miyazaki/1154726