Voici un bien curieux personnage que ce Porco Rosso, figure centrale du sixième film éponyme d’Hayao Miyazaki, alors basé sur trois petites bandes dessinées qu’il publia quelques années plus tôt ; connaissant la patte délectable du cinéaste japonais, il convenait malgré tout d’accorder sa chance à Marco Pagotto de son vrai nom, d’autant que comme dit l’adage : tout est bon dans le cochon.
Au travers de ce jeu de mot facile comme pas deux on touche d’ailleurs au penchant semi-sérieux du long-métrage, ce dernier oscillant constamment entre un comique presque loufoque et un cadre réaliste, celui-ci renvoyant à la période troublée de l’entre-deux-guerres (et plus précisément celui de l’Italie fasciste).
Affublé d’un étrange sortilège, le talentueux pilote à tête de cochon nous offre ainsi au gré de ses tribulations un semblant d’autodérision teinté de fatalisme (à moins que ce ne soit l’inverse), tout en nous dépeignant de bout en long l’absurdité composant les conflits armés, mais le tout avec justesse ; au-delà d’une composante comique palpable demeure donc une trame propre au style Miyazaki, celui-ci ne manquant pas d’aborder de nouveau ses thèmes fétiches, non sans légèreté toutefois.
La force de Porco Rosso tient donc naturellement en son personnage principal, figure mémorable à souhait car charismatique, drôle mais aussi énigmatique, la malédiction l’affectant conférant au tout un ton fantastique efficace, tremplin d’une séquence onirique fort captivante ; on peut néanmoins regretter que le long-métrage ne fasse qu’effleurer son sujet « hors du commun », mais celui-ci a d’autres tours dans son sac.
L’aviation occupe en effet une place prépondérante en son sein, et que dire si ce n’est que ce trait propre à Miyazaki s’avère renversant ici : l’animation est en ce sens sublime, des joutes aériennes dantesques à un chara-design excellent, aucun nuage à l’horizon, le film constituant à lui seul une échappée pour le moins rafraîchissante au gré de son ambiance aérienne.
Un sans-faute technique ahurissant en somme, de quoi occulter avec aisance une intrigue accusant quelques longueurs, mais l’ennui ne fera à aucun moment parti du voyage : l’humour bon enfant des pirates (rappelant ceux du Château dans le ciel), le flegme de Porco Rosso ou encore les très charmantes Fio et Gina ne manquent pas de conférer au long-métrage un capital sympathie conséquent, et par la même occasion d’en faire une œuvre foutrement divertissante.
Ainsi, si l’on excepte un dénouement bien trop abrupte (je vous jure, ça se termine littéralement en queue de cochon…), Porco Rosso brille d’une aura quelque peu aguichante, celui-ci jonglant avec brio entre un ton indéniablement comique et une mélancolie presque poétique ; bien qu’imparfait ce Miyazaki vaut donc bien plus qu’un simple coup d’œil, celui-ci s’ancrant au sein d’un univers à la fois dépaysant et historiquement réaliste.