Quand on évite volontairement de lire les synopses, comme c'est mon cas, on a parfois de sacrées surprises. Bêtement, j'imaginais un film doux, et peut-être même trop, et là je me retrouve face à la traditionnelle sécheresse du film roumain mixée à la cruelle dextérité d'un Haneke.
Les scènes s'étendent de plus en plus pour arriver rapidement à un prodigieux plan-séquence de 18 minutes, ayant nécessité la présence de 200 figurants, tourné à 360°. C'est virtuose mais pas gratuit, tout ce qui sera utile au spectateur durant les deux heures qui suivent ayant été dissimulé ici uniquement par la mise en scène et le travail sonore.
S'ensuit la mise à mort inéluctable d'un couple et la lente descente aux enfers d'un homme, campé par l'extraordinaire Bogdan Dumitrache, décrépitude morale et physique contagieuses, le spectateur étant à ses côté entraîné dans les limbes de l'enfer.
"Pororoca" est tout à la fois un drame et un thriller d'une efficacité redoutable, jusqu'à l'explosion en plein vol de Constantin Popescu qui, lors d'un final hallucinant mais un peu grotesque, se met soudain en mode Gaspar Noé, l'hommage (?) étant confirmé dans le générique de fin.
Soyons clairs, ce film n'est pas à mettre entre tous les yeux, l'absence de toute interdiction ou avertissement m'étonnant pour le moins, sa durée pourra en effrayer plus d'un, mais en terme de cinéma pur, le contrat est plus que rempli, chaque mouvement de caméra, chaque tempo, chaque bruit, chaque teinte ou grain de l'image rentrant dans un processus infernal qui étouffe un personnage, et nous avec.
Définition du Pororoca : phénomène de mascaret, avec des vagues pouvant atteindre les 4 mètres de haut et qui parcourt 800 km sur la rivière Amazone et ses affluents. Son nom provient du dialecte Tupi, signifiant « le grand rugissement » ou « ce qui détruit tout sur son passage avec grand fracas ». (CQFD)