Pour son premier film, Jerry Schatzberg montre un sens du montage et de la syntaxe très moderne et godardien, mêlé à une sensibilité aiguë dans l’art du portrait, très bergmanien, tout en gros plan et regards dans le miroir, de cette femme en perdition. Néanmoins, la froideur du regard qu’il porte sur son modèle établit une distance entre le spectateur et elle, si bien que son histoire finit par ennuyer et agacer.
En l’espace de 3 ans, Jerry Schatzberg réalise coup sur coup L’épouvantail (1973), Panique à Needle Park (1971) et le présent Puzzle of a Downfall Child (1970). Pas mal pour un ancien photographe de mode lancé dans le cinéma à 43 ans. Or, de tous ces films, c’est sûrement le premier qui est le plus personnel de tous : tout d’abord, il s’inspire ouvertement de la vie de la top-model Anne Saint-Marie avec laquelle il a tourné une série d’entretiens ; ensuite, il y mêle sans aucun doute des souvenirs de son ancienne profession ; enfin, il confie le rôle de Lou Andreas Sand à Faye Dunaway dont il a été le compagnon de 1966 à 1968, alors que dans le film Lou Andreas, ex top-model, se confie à Aaron, son ex-compagnon, ancien photographe de mode désormais réalisateur de cinéma (comme J. Schatzberg). Cependant, malgré ses renvois à sa vie privée, on peine à trouver du matériau humain : Lou Andreas est trop pathétique pour inspirer de l’empathie, Schatzberg n’éprouvant aucune pitié pour elle.
À l’image de Panique à Needle Park, le ton insufflé par Schatzberg est clairement pessimiste, la destinée des personnages inévitablement tragique, le regard froid et émotionnellement distant, le style presque documentaire. Le travail esthétique est louable, tant la photographie qu’il confie à Adam Holender (qui venait de collaborer l’année d’avant dans Macadam Cowboy) que le montage, d’une grande liberté, et qui prétend à travers la forme du puzzle traduire l’éclatement psychologique d’un esprit en proie au chaos mental, à la toxicomanie, à la mythomanie, à la dépression, au doute, au vide existentiel.
Néanmoins, malgré une Faye Dunaway excellente, diamants aux multiples facettes, ce portrait cubiste d’une victime de la mode et du dictât de l’apparence peine à émouvoir.