Portrait de la jeune fille en feu lors de sa projection à Cannes a, apparemment, déclenché une sorte de controverse entre les critiques américaines et françaises. Là où les français voyaient majoritairement un film assez froid et hermétique, nos voisins d'outre-Atlantique louaient une prise de parole de femme libératrice. En sortant de la projection du film, je dus me rendre à l'évidence... Je suis français.
Ce scénario mis en image n'est pas mauvais mais il y a quelque chose qui ne marche pas dedans. Je ressors avec l'impression de ne pas avoir vu un film, peu de cinéma dans ce temps qui vient de passer. Tout semble filmé avec la même intention. Céline Sciamma ne semble pouvoir montrer du monde et de cette histoire qu'une seule facette.
Pendant le visionnage, le processus de création et de découpage apparaît pleinement. On imagine très bien que la scénariste-réalisatrice voulait parler de quelque chose, présenter une situation, mettre du politique et du social dans une intimité, mettre de l'humain dans des concepts de philosophie sociale. Avec ces lignes directrices très vite arrive un scénario, plutôt bon, puis vient le moment de comment le mettre en image.
Et là réside tout le problème du film, il ne semble pas avoir été pensé en images et en sons mais d'abord en scénario, en personnages, en situations. Et on se retrouve avec une alternance de plans larges, plans moyens, gros plans, très gros plans, qui ne font que présenter un personnage dans un espace, le fait que ce personnage regarde dans cet espace, puis l'objet de son regard. En fait, la mise en scène ne paraît que répondre à un cahier des charges imposé par un scénario créé en autonomie, en rupture par rapport à ce qui fait cinéma.
Cependant, il ne faut pas non plus être injuste, il y a des idées de cinéma dans ce film. Mais celle-ci sont d'autant plus frustrante qu'elles sont peu et isolées au sein d'une totalité qui adopte la plupart du temps une forme de mise en scène "automatique". (en général on filmerait comme ça, tiens ! Je vais faire pareil). Parmi ces points positifs, je pense notamment aux plans d'autoportrait par miroir, à un plan de baiser et au plan dans lequel Noémie Marlant fait sécher ses toiles au début du film.
Au final, mon ressenti par rapport à ce film m'est apparu pleinement durant son dernier plan. Adèle Haenel est à l'opéra, cadrée dans un plan large qui se resserre de plus en plus à mesure que son émotion monte lorsque résonne le troisième mouvement de l'été des quatre saisons de Vivaldi, porteur de nombreux souvenirs. Le sentiment qui m'habite à ce moment là est la déception. Rien ne décolle tout retombe et l'on regarde la jeune fille en feu pleurer, s'ennuyant en attendant que le générique arrive. Pourtant, ce mouvement est une de mes pièces de musique préférée, et pour conclure un film, quelle riche idée. Mais, l'interprétation choisie est d'une platitude.. Je ne savais pas que du Vivaldi enregistré pouvait être aussi mal joué.
Et pourtant, lorsque le premier accord résonne, quelque chose se passe, enfin ! un espoir naît, il n'est peut être pas trop tard pour ressentir quelque chose face à ce film. Mais le rideau tombe bien vite et l'on retourne à ce que l'on a connu depuis une heure, quelque chose de bien construit, avec des idées et des références mais avec trop peu d'âme et d'art.