Ce que l'on doit admettre au film de Carlos Reygadas c'est son indéniable et sublime style. Et son caractère entêtant et assumé jusqu'au bout.
On frise souvent l'expérimental dans ce film où se bousculent avec violence du malsain et du candide, de la pluie et du soleil.
Format 4:3, bords de l'image arrondis et dédoublés (effets lunette de vieux fusil), dés les premières images le ton est donné.
La nature comme élément principal, les animaux et les arbres qui se détachent sur un ciel orageux et une nuit noire. On est scotchés tellement c'est beau.
Si l'histoire, lorsqu'on lit le résumé semble à peu près simple à appréhender, elle l'est bien moins lors du visionnage du film.
Si l'on décide de suivre Juan et sa femme, ses enfants et ses chiens, on décide alors de se plonger dans leur vie, dans leur intimité et de repousser les limites du voyage, quitte à finir dans un sauna français où le coït se pratique gratuitement.
De son récit, le réalisateur s'écarte totalement dans de longues parenthèses mystiques à couper le souffle où le temps se déconstruit, où les couchers de soleil deviennent un spectacle extraordinairement puissant. Mais il s'écarte aussi volontairement de son histoire dans des scènes sans rapport aux autres, purement gratuite et souvent soit ennuyeuse soit dérangeante. Mais dans tous les cas inutiles.
Que ce soit dans la longue scène collante et dégueulasse dans les bains-douches (qui rappelle l'ambiance d'un certain club gay imaginé par Noé dans Irréversible) ou dans ses longues scènes qui nous donnent à voir des personnages inconnus dans un situation sans rapport et un pays étranger à celui de l'action du film (les gamins qui jouent au rugby en Angleterre).
Ce qu'il y a de frustrant c'est que ses longues scènes ne délivreront surement jamais leur secret, car tout cela ne peut bien évidemment pas être que le fruit d'une gratuité absurde mais doit cacher un sens que le réalisateur ne nous donne jamais.
Le film se fait ainsi parfaitement abscons et étranger à nous spectateurs qui nous retrouvons sur le carreau, témoin d'un spectacle qui frise parfois le génie, parfois le frustrant, parfois l'inutile, parfois le grand guignolesque (on pense à ce final absurde) mais qui, cette chose est sûre, frise en permanence la singularité.