Le film "Pour qui sonne le glas" de Sam Wood est sorti 3 ans après la publication du roman d'Ernest Hemingway. Les Etats-Unis étant entrés en guerre en 1942, le réalisateur et producteur Sam Wood lance ce film qui met en scène un brave américain parti au secours des républicains espagnols en lutte contre le fascisme et le nazisme.
Le scénario du film est très fidèle au roman même s'il simplifie ici et là quelques détails. Ainsi, le personnage plus qu'ambigu du français André Massart (avatar d'André Marty) disparait.
En quelques mots, le scénario relate la mission pendant trois jours d'un américain, Roberto Jordan, enrôlé dans les Brigades Internationales, auprès de résistants républicains, commandés par Pablo et son épouse Pilar, dans la montagne pour détruire un pont dans le cadre du lancement d'une offensive républicaine. Pendant cette mission, Roberto vit une folle passion avec une jeune fille rescapée des geôles franquistes.
Par rapport au roman, la vision d'Hemingway de la guerre d'Espagne qui était sans concession sur les difficultés du camp républicain dû à l'hétérogénéité politique du commandement s'estompe un peu dans le film et est moins explicite. Elle n'apparait qu'à travers la difficulté que le messager envoyé par Roberto rencontre pour joindre le général en chef. Il est possible aussi que le contexte politique de l'époque où l'URSS était alliée aux USA et à l'Europe non nazie n'incitait pas à aller mettre de l'huile sur le feu sur ces questions. Par contre, restent les horreurs de la guerre civile fratricide que l'Espagne subit dans chaque camp.
Le casting fabuleux repose sur trois acteur et actrices.
Gary Cooper interprète le rôle de l'américain qui réalise des missions périlleuses et ne se fait pas énormément d'illusions sur son sort. C'est un homme de devoir qui a beaucoup de sang-froid pour tempérer les caractères trempés des résistants espagnols au sang chaud. C'est la force tranquille. C'est un homme aussi cuirassé contre toutes les émotions. Pourtant, comme dans la chanson de Brassens, "il se fera tout petit devant" Maria, la pure jeune fille qui a réussi à fuir des horreurs innommables.
Maria, c'est une absolument bouleversante et magnifique Ingrid Bergman qui l'interprète. Un de ses plus grand rôles. Elle joue le rôle d'une jeune fille de dix-huit ans qui ne connait rien de la vie alors qu'elle a assisté à l'assassinat de ses parents républicains, puis a été tondue puis violée par les mêmes assassins. Son sourire fragile puis éclatant puis à nouveau fragile qui se met à rire puis à pleurer puis à espérer follement est juste bouleversant. Elle a trois jours devant elle pour vivre une vie entière et se jette en toute confiance, sous les bons auspices de Pilar, dans les bras de Roberto. Ses yeux ! Ses yeux, inquiets, qui cherchent un point où se poser et qui sont magnétiquement attirés par ceux, rassurants, de Roberto. Un rôle inoubliable (enfin, pour moi)...
J'ai dit Pilar ? Mais oui, Pilar, c'est le chef du groupe de résistants. Accessoirement, c'est l'épouse de Pablo, le traitre et le salopard (Akim Tamiroff). C'est une tragique Katina Praxinou, une actrice grecque dont c'est le premier rôle au cinéma. Auparavant, elle a fait beaucoup de théâtre grec (et bien sûr du théâtre tragique). Elle jouera le rôle de la mère dans "Rocco et ses frères" et d'autres choses.
Ici, elle a un rôle tragique de maîtresse femme et de combattante, de républicaine pure et dure, de gitane capable de voir l'avenir, de vieille femme que plus personne ne regarde. Et pourtant elle protège Maria de tout son cœur. Elle joue même les entremetteuses. Elle envie l'amour naissant que va connaître Maria mais en même temps joue le rôle de sa mère pour lui expliquer les "fondamentaux" de la vie. Personnage admirable.
Elle gagnera un oscar de la meilleure actrice dans un second rôle.
"Pour qui sonne le glas" est un très beau film de presque trois heures qui, par rapport au roman, met un peu plus l'accent sur l'histoire de Maria et Roberto. Un peu au détriment de l'Histoire mais il s'agit peut-être aussi de ne pas froisser l'allié soviétique en parlant des choses qui fâchent.
Et puis, je ne l'ai peut-être pas dit mais il y a dans le film une actrice bouleversante et magnifique qui s'appelle Ingrid Bergman.