La Préhistoire comme vous ne l'avez jamais vue (ou presque)

Jamel Debbouze adapte avec bonheur le roman de Roy Lewis paru en 1960. Ce livre, qui relate les aventures d’une famille du Pléistocène dont le père, Edward, est toujours à l’affût de nouvelles innovations techniques, faisait jusqu’ici partie des œuvres réputées inadaptables. Ce n’est désormais plus le cas. Grâce à l’animation et à la technique de la performance capture, Jamel Debbouze et sa joyeuse équipe recréent pour nous une Préhistoire burlesque, parsemée d’anachronismes bien pensés, où le tragique est sans cesse repoussé, grâce à la bonne humeur communicative et l’incroyable générosité du héros, Édouard.


L’histoire s’éloigne toutefois considérablement du roman original. Dans ce dernier, le récit est relaté par Ernest, le fils d’Edward, et les inventions du père s’avèrent parfois source de désastre. Ainsi la découverte du feu et de sa maîtrise n’empêche pas l’incendie accidentel de la savane. Et le roman a, du reste, un dénouement tragique. Le film, lui, préfère souligner les aspects positifs de l’évolution et, surtout, mettre en lumière un héros qui avait plutôt mal commencé dans la vie. En effet, Édouard est le fils aîné du roi des Simiens mais, né malingre, il est aussitôt condamné à mort par son propre père, sur l’impulsion de la sorcière de la tribu et du premier conseiller du roi. Contre toute attente, l’enfant survit et grandit dans l’ignorance de ses origines, sous la houlette de Ian, un Simien déficient mental qui vit en marge du reste de la tribu. À la suite de divers malentendus et des manigances de la sorcière, Édouard découvrira ses origines, sera tour à tour banni du banyan ancestral, puis reconnu progressivement comme un leader inattendu, et découvrira notamment comment faire du feu.


Jamel Debbouze transforme le récit de Roy Lewis en une intrigue plus conventionnelle mais aux dimensions universelles : celle du héros improbable, l’exclu qui finit par trouver sa place parmi les siens, grâce à sa capacité à rassembler et à inventer une nouvelle forme de vivre ensemble, le tout en restant toujours positif. L’humour est omniprésent, jusque dans les scènes plus sérieuses, sans jamais tomber dans la bêtise. Jamel fait du Jamel, et on en redemande. Arié Elmaleh est quant à lui impayable dans le rôle de Ian. Enfin, les miracles de la performance capture font revivre Louis de Funès à travers le personnage de Vladimir.


Il n’y a d’ailleurs guère à redire en ce qui concerne l’aspect technique du film. L’animation est globalement à la hauteur des productions américaines. Le recours à la performance capture donne un aspect plus vivant aux personnages conçus en 3D. Cette technique, qui permet de reproduire les mouvements du corps, les expressions du visage et les mouvements des doigts des acteurs pour les appliquer à un personnage virtuel, a notamment été utilisée par Steven Spielberg pour Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne. Pourquoi j’ai pas mangé mon père est ainsi le premier film d’animation français intégralement réalisé grâce à cette technique, même si déjà en 2006 on avait pu découvrir Renaissance, une animation pour adultes réalisée en motion capture, un procédé proche de la performance capture. C’est d’ailleurs la même personne, Marc Miance, qui est à l’origine dans les deux films du recours à ces techniques de capture de mouvement.


Pour la première fois à la réalisation et dans le rôle principal, Jamel Debbouze signe une vraie réussite visuelle et une comédie pleine de drôlerie à ne pas manquer. Pourquoi j’ai pas mangé mon père est juste ce qu’il nous fallait pour fêter le retour des beaux jours et nous redonner un peu d’optimisme.

Jessalynn_ImFin
9
Écrit par

Créée

le 12 avr. 2015

Critique lue 270 fois

Jessalynn_ImFin

Écrit par

Critique lue 270 fois

D'autres avis sur Pourquoi j'ai pas mangé mon père

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
Kristof
2

Pourquoi j'ai (pas) mangé mon script

"Mais bordel, c'est quoi ce film de merde ? - Euh... - Je parle de Pourquoi j'ai pas mangé mon père ! - Miam miam ? Slurp ! - Non, c'est pas l'heure de manger ! C'est toi le scénariste responsable...

le 6 avr. 2015

65 j'aime

4

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
Beezell
1

Pourquoi j'ai regardé cette merde ?

♫ Musique ♫ A l'ère préhistorique, dans une tribu primitive homosapiense, Edouard héritier du trône est rejeté par son clan, mais il revient et révolutionne l'ordre établi pour mener son peuple vers...

le 21 juil. 2015

33 j'aime

14

Pourquoi j'ai pas mangé mon père
Gand-Alf
2

Préhystérique.

J'aime bien Jamel Debbouze. Même s'il a l'air d'avoir plus ou moins renoncé à évoluer dans l'humour, il me fait parfois marrer et contrairement à un de ses anciens camarades de jeu, il n'a pas tourné...

le 14 mars 2016

32 j'aime

4

Du même critique

007 Spectre
Jessalynn_ImFin
10

La guerre de l'information

Depuis Casino Royal, chaque nouveau James Bond confirme l’excellent choix de Daniel Craig dans le rôle du mythique espion, et le parfait travail de dépoussiérage de la licence. Plus physique, avec...

le 12 nov. 2015

3 j'aime

La Légende de Manolo
Jessalynn_ImFin
10

El día de los muertes

Après avoir rendu hommage aux films de monstres japonais avec "Pacific Rim", Guillermo del Toro s’essaie au cinéma d’animation en produisant une œuvre emplie de l’ambiance festive et colorée de son...

le 30 oct. 2014

3 j'aime

Les Voies du destin
Jessalynn_ImFin
10

La voie du pardon

Adapté des mémoires d’Eric Lomax, "Les Voies du destin" revient sur la condition des prisonniers de guerre britanniques obligés de participer à la construction de la ligne Siam-Birmanie, la fameuse...

le 23 juin 2014

3 j'aime