Cela rend sans doute plus difficile d'apprécier le film si l'on part du principe qu'on va assister à une de ces grandes épopées judiciaires auxquelles Hollywood nous a habitués. Car A Civil Action en est tout l'inverse : c'est un anti-film de procès (ou un film d'anti-procès), axé non pas sur les procédures mais sur leur inextricabilité, et sur le côté humain des avocats plutôt que sur celui des victimes.
Le problème, c'est que Zaillian n'a pas la moindre prétention de faire mieux que quiconque (ce qui rend le contrepied difficile), et que Travolta n'a pas le genre de charisme qui sied à un homme de loi endurci et têtu. L'acteur traverse l'opiniâtreté de son personnage avec moult sourires confiants et hochements de tête nonchalants, mais sans y ajouter les faiblesses qui l'auraient légitimisé. Monocorde, il prend un court élan puis se laisse bercer.
Le temps qu'on comprenne que l'œuvre fut écrite pour être un long decrescendo, il est trop tard pour s'attacher aux symptômes d'une descente aux Enfers financière et légale qui n'est de toute façon pas particulièrement palpitante, à l'exception de quelques effets comiques trop rares qui n'étaient étonnamment pas déplacés.
Il y a dans le film les palpitations molles d'une force balbutiante, un ersatz de ce qui aurait pu en faire, au moins, un chemin initiatique à l'américaine où se seraient alliées la terre de Nouvelle-Angleterre et le fantasme de la justice. Au lieu de quoi il n'est presque pas caricatural de dire qu'un récit bien plus qualitatif se cache derrière les quelques encarts de texte de l'avant-générique de fin, où l'on nous explique comment la justice aura finalement été rendue. On est bien contents de le savoir, mais en attendant, A Civil Action est une non-histoire écrite trop peu de temps après les faits réels qui l'ont... "inspirée".
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