Le lexique du temps
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Denis Villeneuve n'en finit plus d'étonner. Film après film, il se balade entre les genres depuis le thriller au film de guerre en passant par l'action pure sans dénaturer son style si particulier : il donne de l'ampleur à ses œuvres à travers ses personnages. Premier contact ne fait pas exception et va même plus loin en ce sens qu'il surpasse même le reste d'une filmographie émérite.
Louise est spécialiste des langues. Lorsque des vaisseaux extra-terrestres viennent se placer à 12 endroits de la planète, elle est engagée par l'armée américaine pour tenter une approche linguistique avec les nouveaux arrivés. Loin de proposer une action à base de destruction porn comme sait si bien le faire la S-F de nos jours, tout le propos du film peut se résumer à cette découverte de l'autre à travers l'écriture et l'ouverture. Et c'est ce qui fait toute la force du film : on est tour à tour intrigué, effrayé, fasciné et émerveillé par ces êtres venus d'ailleurs.
Le fait de suivre Louise du début jusqu'à la fin permet à la fois de tisser une relation avec le personnage mais également de mieux aborder ce qui ressemble à une rencontre du troisième type plausible. D'ailleurs, on ressent largement les influences de Spielberg d'un côté et de Kubrick de l'autre avec ces vaisseaux monolithes noirs et ces entités supérieures. Mais tout reste subtile et Denis Villeneuve insuffle suffisamment de sa personnalité artistique pour se défaire de ses modèles et nous entraîner dans un terrain surprenant. Le film débute sans tarder après une assez brève introduction et l'essentiel de l'histoire se fera autour de ce cours de linguistique approfondie entre les heptapodes et Louise et Ian - son partenaire scientifique.
De la musique à l'écriture alien, l'histoire nous désoriente sans nous perdre et nous oblige à nous poser les mêmes questions que les protagonistes : on est au plus proche de l'équipe de recherche et on sera aussi exaspéré lorsque les communications entre les pays seront coupées à cause de manoeuvres politiques, on sera exténué comme Louise d'un surménage bien visible, on sera tantôt profondément triste, tantôt heureux d'une découverte aussi mineure soit-elle. Comme les cercles d'écriture des extra-terrestres et leurs reliefs, les personnages devont lutter avec les aspérités de leur environnement ou avec leurs émotions pour comprendre la signification de la venue d'être dotés d'une technologie bien supérieure.
La boucle est bouclée.
Sans qu'on s'attarde sur la fin du film, un mot toutefois sur la structure narrative pour le moins ingénieuse. Si certains ont pu trouvé cette alternative lourde, il faut remettre le tout dans le cadre du récit. Ici, tout n'est que boucle infinie, depuis les différents cours dans le vaisseau qui se répètent sans cesse, aux visions de Louise. On revient au début et c'est normal. Et la dimension de cet apprentissage, de ce cadeau prend tout son sens : l'humanité, si elle veut évoluer, doit changer sa perception du temps qui passe. Tout à a des conséquences mais rien ne va uniquement dans un sens. Un véritable message d'espoir si tant est qu'on ait une vision un tant soit peu optimiste de notre futur (on conviendra que c'est assez compliqué de nos jours).
Premier contact est donc à n'en pas douter le film qui fera date en 2016. Il annonce aussi un réalisateur bientôt aux commandes de Blade Runner 2. Il pose des questions, donne certaines réponses mais laisse le soin au spectateur de se faire une opinion à partir des éléments qu'il a. Doit-on changer le futur ? Ou doit-on laisser les choses telles qu'elles sont ? Parfois oui, parfois non. Ce qui est sûr c'est qu'on n'oubliera pas Premier contact, anomalie moderne dans un paysage monotone. Superbe.
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Créée
le 16 déc. 2016
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