Une forme noire et titanesque lévite verticalement au-dessus de la surface de la Terre. En dépit de ses courbes, cette structure extra-terrestre nébuleuse suggère inéluctablement le monolithe de 2001, l’Odyssée de l’espace. À la différence qu’ici avec Premier Contact, l’intrigue se propose d’en pénétrer littéralement les mystères. Denis Villeneuve affiche sans rougir un certain fétichisme à l’égard de Stanley Kubrick. L’heure n’est donc plus au bouleversement cinéphilique mais au commentaire. L’énigme métaphysique laissée par 2001 permet ici l’ouverture d’une boîte de Pandore : le Dr. Louise Banks, experte en linguistique, s’introduit avec une équipe de spécialistes au sein du curieux vaisseau spatial ( on notera l’attache avec Alien, autre film dialoguant intimement avec 2001 ). Sa mission, établie par le gouvernement américain consiste à déchiffrer le langage des créatures venues d’ailleurs pour comprendre leurs motivations. Cette rencontre potentielle singe aussi en creux les Rencontres du troisième type de Steven Spielberg et autres Contact de Robert Zemeckis. Même si d’un point de vue plus strictement artistique, l’héritage est à chercher du côté de Jonathan Glazer et son Under the Skin...


Dans une scène de Premier Contact, le personnage joué par Amy Adams, raconte une anecdote au colonel Weber (Forest Whitaker). Elle a beau être totalement inventée, « ça reste une bonne histoire », confie-t-elle ensuite à son collègue mathématicien (Jeremy Renner). La beauté du faux : en une scène anodine, Denis Villeneuve résume ce qui constitue la puissance du cinéma. Premier Contact prend tout son sens d’expérience émotionnelle quand on intègre son caractère méta, son regard sur l’artificialité de l’art et le pouvoir d’évocation des images. Le film dialogue avec son spectateur : il exige de lui qu’il suspende son incrédulité, qu’il se soumette à la beauté du faux. Au premier abord, le film déroule un propos juste sur le langage comme vecteur de lien et d’unité, sur la communication comme fenêtre vers la connaissance. Cependant, le cœur émotionnel de Premier Contact semble ailleurs et il va se dévoiler lentement, scène après scène...


Dans ce processus, Villeneuve convoque tout son cinéma. Il prend son temps, joue avec le spectateur, avec sa perception du récit et des émotions. Il met sa frustration à l’épreuve lors d’ellipses tranchantes, construit un film imprévisible bien qu’il évolue dans un genre commun. Villeneuve ritualise certaines images, détourne le sens de certaines autres, superpose les sons pour en flouter les sources et bâtit ainsi une expérience de cinéma aussi limpide en surface que déstabilisante en profondeur. Une manière pour lui de conclure sur un choc émotionnel en forme de retour à l’essentiel : ici, la SF cache un drame quotidien et les aliens servent à parler de la condition humaine et à faire le portrait bouleversant d’une femme, d’une mère, de ses choix dans l’amour et la mort. Sans doute le plus poignant et le plus abouti de tous les films de Denis Villeneuve. On attend donc Blade Runner 2049 avec impatience !!!

Yoann_Carré
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le 9 janv. 2017

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Yoann_Carré

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