Presence
6.4
Presence

Film de Steven Soderbergh (2024)

Une famille emménage dans une maison. Un fantôme y habite ; le film adopte entièrement son point de vue, et assiste à travers son regard à la progression du drame. Soderbergh reprend à son compte l’adage des cinéphiles selon lequel, parce que toute image appartient au passé, le cinéma c’est la mort qui se souvient de la vie. Ce principe fédère le récit, pour le meilleur - c’est une jolie idée - comme pour le pire - un concept seul pour un long-métrage, ça s’ébranle vite et ça fait passoire à clichés. Sa présence d’esprit est de ne pas croire tant que ça en la binarité mort-vie, c’est pour ça que dans la vie en question il ne fait pas bon vivre, c’est la déprime, on subit routine et aimerait partir loin d’ici. Les personnages sont décrits comme profondément indécis : ils oscillent entre passivité et responsabilité, entre empathie et adversité… Le garçon-intrus qui provoque la tragédie se plaît tristement à penser que le chagrin se décide et que mourir est un choix (il s’en vante en pleurant, lors de la meilleure scène), mais passe son temps à s'excuser d’exister. La Présence, elle, est assurée, sait ce qu’elle doit faire et connaît ses raisons : souvent son action est inefficace et interroge, mais elle tend finalement vers le bien. Le film grâce à elle nous mobilise et nous fait transitionner vers cet état de détermination. La narration est convenue, n'échappe pas à plusieurs biais sexistes mais sa force, une fois dépassés les a priori, est de ne pas se défiler face aux secrets domestiques, et de savoir trouver cet espace de médiation entre les tentations d’espoir et d’abandon dans lequel il reste du travail pour faire les bons choix. Je n’estime pas beaucoup les cinéastes qui se désolent du mal qu’ils produisent ; Presence semble partager cet avis, et sermonne ceux qui croient que filmer c’est nécessairement faire preuve de voyeurisme et de perversité. Elle nous rappelle (avec une persévérance optimiste, quitte à tourner autour du pot) qu’avant d’être diffusé en masses le mal vient d’abord de l’intime, dont il s'agit de prendre soin.

babelard
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il y a 5 jours

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