Presence
6.4
Presence

Film de Steven Soderbergh (2024)

C’est malheureux à dire, mais cela fait plusieurs années que Soderbergh n’est plus un incontournable cinématographique. Le temps est loin des Ocean’s, des Erin Brockovich ou des Che Partie 1 & Partie 2. Malgré une filmographie prolifique (1 à 2 films par an tout de même), Soderbergh n’a pas rencontré de grand succès ces dix dernières années. Logan Lucky et Paranoïa tournent autour de 200 000 entrées France, et la plupart de ses dernières productions partent directement en VOD ou sur plateformes (The Laundromat, La Grande Traversée, No Sudden Move, Kimi,…). J’étais même surpris de voir qu’il sortait 2 films au cinéma, à un mois d’écart : Presence en février, et The Insider en mars.

J’ai poussé la porte de la salle de cinéma par un concours de circonstances : c’était le seul film qui passait à l’horaire qui me convenait. Sans beaucoup d’attente au départ, je ressors de la séance avec la sensation que le film n’a pas su dépasser son concept de base (ça me fait ça aussi par exemple avec certains Dupieux : le concept de base est toujours intéressant, mais souvent le scénario est un peu court pour déployer concrètement une intrigue prenante).

Pourtant, l’idée du film était surprenante : une mystérieuse entité hante une maison à vendre – jusque-là, rien de très novateur –, mais contrairement aux films de maison hantée classiques, nous sommes du début à la fin du long métrage en point de vue interne : la caméra filme et se déplace du point de vue de l’entité. A la première personne de la présence.

D’un point de vue de mise en scène, cela rend le film très intéressant : Presence est fait de plus ou moins longs plans séquences (il y en a 33 au total, ce qui est ridiculement peu pour un long métrage), tous entrecoupés de coupes au noir. On navigue avec la présence dans les différentes pièces de la maison, montant ou descendant les escaliers, poussant les portes des chambres, se cachant dans les dressings.

Qui dit nombre de plans limités dit aussi faibles coûts de tournage. Le budget du film n’a pas été communiqué, mais il y a fort à parier qu’il a dû être ridiculement faible comparé à la moyenne des longs métrages américains. Un tournage étalé sur 3 semaines uniquement et une maison comme lieu unique de filmage : c’est un rêve de producteur qui a dû se réaliser !

Le choix de la caméra – qui filme en très grand angle – m’a en revanche quelque peu dérangé. Ce choix artistique m’a fait penser au récent Pauvres Créatures de Yorgos Lanthimos, qui avait été salué pour sa prise de risque. Pourtant ici, la déformation des bords de l’image et les mouvements brusques de la caméra ne m’ont que moyennement convaincu : j’ai mis beaucoup de temps à entrer dans le film.

Côté scénario, on reste sur du classique : une famille de 4 débarque dans cette maison vide, et seule la jeune fille, Chloé, est sensible à la présence de l’entité. Alors bien sûr au début, on la prend pour une folle. Chloé est d’ailleurs le seul personnage qui possède un background un peu travaillé. Tous les autres membres de la famille manquent de profondeur, et notamment le frère, dont le personnage aurait mérité d’être étoffé.

Avec sa fin qu’on sent malheureusement venir, Presence tourne rapidement à l’exercice de style et aurait peiné à dépasser les 1h30. Bien que le film soit classé en Epouvante-Horreur (comment faire autrement pour un film de maison hantée), les amateurs de grands frissons seront déçus. Le long métrage de Soderbergh est plutôt un huis clos fantastique un peu faiblard, qui le rapproche en ce sens d’un A Ghost Story de David Lowery.

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