Altman est un fou. Après avoir exploré Hollywood en faisant des folies de caméra et d'acteurs avec The Player, voici qu'il remet ça sur le sujet de la mode avec un casting trois étoiles, qui ne sont pas des stars mais des pays : France, Italie, États-Unis. De quoi faire un cocktail mondain bien serré. Bien... ou trop ?
D'abord, l'œuvre semble flotter au-dessus de son propos, comme portée au-dessus de lui par la très littérale foule de stars. Ce qui se passe est bien trop pailleté pour laisser de marbre : comment ne peut-on pas être intéressé par l'océan même si l'on a peur de l'eau ? Pourtant, l'impression qui se dégage de ces grands noms houspillés par une Kim Basinger qui sert de fil rouge avec son rôle de journaliste people, c'est l'oppression. Le luxe et l'ambiguïté de l'expression artistique sont bien présents, mais Altman semble avoir oublié de distribuer des masques à oxygène à ses spectateurs ; où est le Central Park de de New York, l'oasis de ce désert, l'île de cet océan en furie qu'il a créé ?
Le film finit par donner l'impression qu'il a été monté directement dans la matière première de la mode, traduisant au grand écran la ligne pointillée de la vie des créateurs qui semblent tenus d'avoir une vie privée différente de celle des autres artistes ; ne prenant pas position, Ready to Wear baigne dans l'ambiguïté de son traitement, ne sachant même pas quoi faire de ses plus gros éléments scénaristiques ; il y a des couples qui se font sur les lames de son plafond, et c'est toujours le même film qui passe... L'on s'insurge, l'on fait scandale, l'on s'en fiche, les liens qui devraient relier ce qu'on voit à l'écran avec la presse sont à sens unique, et le défilé de stars ne se démarque pas des défilés de top models.
L'atout (énorme) du film est un peu trop discret ; malgré la diversité des acteurs dont l'aura tire malgré eux la couverture à eux, tous sont productifs. Étrangement, ils arrivent à ne pas donner l'impression de faire joli (contrairement à dans The Player) et tous vont construire une partie du pont devant nous conduire jusqu’à la fin de la route. [Spoiler] Et la fin arrive à dissoudre le sentiment que le film faisait preuve d'une neutralité indésirable ; le dernier défilé qu'il nous montre ne diffère pas des autres en ce qu'il arrive comme un cheveu sur la langue, mais l'authenticité du grabuge qu'il maintient nous aura absorbé, car on ne s'attend pas à ce que tous les mannequins soient nues (ah, l'affiche le spoile ?) ; encore moins qu'elles soient applaudies par un public ravi de se faire les panégyristes de leur propre négation.
En conclusion, disons qu'Altman aurait mieux fait de chercher le contrepied de The Player plutôt que de réitérer l'erreur relative de donner l'illusion de la profondeur, car elle n'était pas si compliquée que cela à atteindre. Le défilé des mannequins fait un peu trop passer le casting pour un défilé lui aussi...
Quantième Art