Avec đđđ đđąđđĄđâ đđąđđ đđĄ, les frĂšres Zellner signent une Ćuvre Ă la fois dĂ©routante et envoĂ»tante, Ă la croisĂ©e du documentaire naturaliste et de la fiction Ă©purĂ©e. DĂšs les premiers plans, la photographie lumineuse de Mike Gioulakis, qui enveloppe la forĂȘt d'une aura presque irrĂ©elle, capte le regard et instaure un univers oĂč mythologie, nature sauvage et spiritualitĂ© sâentrelacent harmonieusement. Lâapproche contemplative du film, soutenue par la partition envoĂ»tante de The Octopus Project, offre une expĂ©rience sensorielle captivante.
Lâabsence totale de dialogues renforce ce sentiment dâobservation pure. Les cris gutturaux et la gestuelle des sasquatches, incarnĂ©s avec une physicalitĂ© remarquable par Jesse Eisenberg, Riley Keough, Christophe Zajac-Denek et Nathan Zellner, forment la trame narrative et Ă©veillent chez le spectateur une fascination presque ethnographique. Chaque regard, chaque posture Ă©claire la tension fragile entre ces crĂ©atures et la forĂȘt qui les abrite. Le moindre rayon de soleil filtrant Ă travers les frondaisons devient un moment suspendu, une parenthĂšse de grĂące oĂč se rĂ©vĂšle la force poĂ©tique du vivant.
Le film oscille constamment entre le rĂ©el et le fantasmĂ©, entre la fable Ă©cologique et lâĂ©tude animale, et câest sans doute lĂ sa plus grande force. Les scĂšnes en apparence anodines comme la protection mutuelle de la famille face aux menaces extĂ©rieures ou la fuite silencieuse devant une humanitĂ© et une nature hostile dĂ©gagent une intensitĂ© rare. Les confrontations brutales dĂ©voilent des ĂȘtres primitifs dans toute leur fragilitĂ©. Ces instants rappellent Ă la fois la violence inhĂ©rente Ă la nature et lâincomprĂ©hension, souvent tragique, qui surgit de la rencontre entre deux mondes.
Cependant, derriĂšre cet Ă©lan contemplatif, le film souffre dâun rythme parfois trop Ă©tirĂ©. Ses 1h28 peuvent sembler excessivement longues pour ce quâil propose. Une rĂ©duction dâenviron 25 minutes aurait permis de donner davantage de densitĂ© et de dynamisme Ă lâensemble. Cette faiblesse de tempo nâenlĂšve toutefois rien Ă la beautĂ© globale de lâĆuvre, ni Ă la puissance de son regard sur la collision entre la nature sauvage et lâhumanitĂ©, ainsi que sur la dangerositĂ© inhĂ©rente Ă la nature elle-mĂȘme.