Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

Princesse Mononoké, ou comment réconcilier l'inconciliable

Si vous n'avez pas vu le film et que vous voulez éviter les spoilers, sautez à la section ''En bref''.


Gavée des univers merveilleux de The Legend of Zelda et d'Okami au cours de mon enfance, je ne pouvais que tomber en amour avec Princesse Mononoke. Mais ces comparaisons ne sont absolument pas suffisantes pour en expliquer le charme : Princesse Mononoke est d'une pureté, d'une cohérence sans faille. Tout tombe en place dans ce film dont le rythme et le propos ne s'altèrent pas un instant en deux heures de visionnement.


Princesse Mononoke, d'abord, nous immerge dans la beauté : placé dans une nature sauvage gorgée de panoramas qui font rêver, le scénario nous montre cependant à maintes reprises que cette beauté s'accompagne de cruauté. Toujours, le beau peut prendre une forme d'une laideur terrifiante; Shishi Kami est le gardien d'une nature luxuriante, abritant végétation, créatures magiques, dieux et animaux; et pourtant, il se transforme la nuit en créature terrifiante, et lorsqu'il recherche sa tête, tue tout ce qui se trouve sur son passage. Les exemples sont encore innombrables : les Kodamas, à la fois mignons et effrayants; les Dieux, qui respectent un code de conduite sévère et sans appel. Dans cette symbolique, il y a le principe même de la vie et de la mort, le beau et le terrible se côtoyant, devenant alternativement l'un et l'autre et finalement coexistant simultanément en toute chose.


Également, ce qui est fascinant dans Princesse Mononoke, c'est comment le héros n'est finalement qu'un spectateur, et nous sommes, comme lui, le spectateur de ce conflit terrible entre humain et nature. Sans jamais prendre parti, Ashitaka observe, limite les dégâts et sauve les vies des principaux concernés; mais sa présence, au final, n'aura pas permis d'éviter la grande tragédie, seulement d'en limiter les dégâts. Peut-on d'ailleurs dire que la présence d'Ashitaka ait vraiment fait une différence? On nous laisse entendre que Shishi Kami est réellement mort, et on comprend bien que les Dieux et le peuple d'Ashitaka sont encore voués à disparaître. Toutefois, Ashitaka a changé la vie des quelques personnes qu'il a croisées de façon considérable.


San est elle aussi tout à fait emblématique. Quel bonheur de voir que Miyazaki a eu la clairvoyance de la doter d'une sensibilité à laquelle on se reconnaît, elle qui paraît si sauvage, si imperturbable dans son dévouement pour les loups et contre dame Eboshi; San tombe en effet amoureuse d'Ashitaka, bien malgré elle. Et on comprend comment cette idylle n'a rien de gratuit : Ashitaka, élevé dans le respect des Dieux, son amour pour la nature étant au coeur de son identité et de son idéal (il suffit de voir sa relation avec Yakulu (qui, d'ailleurs, ne meurt pas! qui l'aurait cru! Une belle preuve que le film refuse la sentimentalité facile) pour le voir), et San, dont la propre humanité, tant haïe et reniée, trouve enfin libération en Ashitaka. Les identités morcellées de San et d'Ashitaka se répondent directement, et on sent que cet amour n'est pas un artifice pour attendrir le spectateur, mais qu'il est tout aussi ancré dans l'essence même de l'histoire et des personnages que le reste.


Enfin, certains pourraient penser que, finalement, le message ne se distingue pas beaucoup d'autres films - l'importance de la nature, son côté cruel, l'idée que les « méchants » cachent du bon, tout cela ne date pas d'hier. Et pourtant, il faut voir comment tout cela fonctionne, comment cette narration réussit haut la main là où tant d'autres films nous ont simplement envoyé leur morale de « il ne faut pas tuer les méchants » simpliste et abrutissante. Princesse Mononoke n'accepte ni les raccourcis faciles, ni la clémence gratuite; tout s'installe dans un ordre parfaitement logique, et chaque personnage porte sa vérité propre qui émeut et bouleverse.


Voilà que je me suis étendue en long et en large sur les personnages, mais il ne faut pas non plus oublier la force de cet univers - Japon féodal déchiré de conflits, où Miyazaki a la clairvoyance d'intégrer les Dieux luttant pour leur survie. Soulignons aussi la qualité avec laquelle tout cela est ficellé, l'action d'entrée de jeu, le réseau complexe d'intérêts tissé avec patience autour de nous... Et toujours, ce ton qui jamais ne juge, se contente de présenter, et laisse le soin au spectateur d'apprécier toute la complexité des motivations humaines.


En bref
Princesse Mononoke, c'est un juste mélange d'histoire et de rêve, planté dans un univers d'une beauté à couper le souffler; c'est une narration parfaitement maîtrisée, parfaitement orchestrée, qui jamais ne juge, sensible et qui comprend profondément la nature humaine. Au final, on nous montre un idéal fragile et peut-être, au final, impuissant, mais qui s'imprègne profondément en nous. Message d'espoir ou pessimiste? Appel à l'action ou à la résignation? Sans doute les deux à la fois, et c'est là toute la beauté de Princesse Mononoke.

Racou
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le 6 mars 2017

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Racou

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