J'ai beaucoup apprécié les chefs-d'œuvre de Miyazaki, mais malheureusement pas celui-là. Certes, les dessins sont bien, et même très beaux, c'est des chefs-d'œuvre à certains moments, rien à redire là-dessus. Idem, nickel pour la musique de Joe Hisashi qui est vraiment époustouflante. Le thème est intéressant : l'homme qui a besoin de s'imposer face à la nature sauvage pour se développer, le crépuscule du chamanisme et le début de l'industrialisation.
Mais le scénario...
Ashitaka, Monsieur Gentil, se mange une malédiction pour laquelle il n'a rien fait et va chercher à résoudre le mal. Quand je dis monsieur gentil, c'est que bien que dévoré par le démon de la vengeance impulsive, il va quand même faire le bien et la justice au mieux : il sauve les soldats en détresse, aide les prostituées recueillies et va sauver le village en feu en scandant des slogans à la inspecteur Gadget « la colère et la peur décuplent la force du mal », « tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir » (et les 5 fruits et légumes par jour aussi ?). Il sert de casque bleu de l'ONU au milieu des Yougoslaves, pour caricaturer son rôle dans les affrontements nature/homme. Je n'ai rien à dire de particulier sur ce personnage, qui est finalement assez transparent dans la mesure où il subit l'action du film plus qu'autre chose. C'est normal, quelque part, dans la mesure où il est pensé comme un témoin du conflit nature/homme... Cependant, ça lui donne un côté inhumain (au sens littéral, comme un robot, détaché des sentiments et des émotions)
À la fin il ne pense même pas à rentrer dans sa famille (oui, ça fait grosso modo 1 semaine qu'il est parti, et c'est tout oublié, l'exil, la chamane, la malédiction, la sœur-ou fiancée dans la VO- qui lui dit adieu...)
À noter peut-être : il vient d'une tribu Emishi, qui historiquement ont été effacés avec l'avènement de l'Empire du Japon. Sans trop connaître la culture ou l'histoire du Japon, on peut remarquer qu'il a ainsi un certain détachement face à l'industrialisation qui ne concerne pas son peuple.
la princesse Mononoké, une fille abandonnée par ses parents, a été recueillie par des loups géants et se croit différente des êtres humains, et va le nier jusqu'au bout. Elle est légèrement barbante avec son discours sur les êtres humains toutes les trente secondes d'ailleurs. Ouioui, toi aussi tu en es une, le test du canard ça existe. Elle fonce sans trop réfléchir, contrairement à Eboshi, et cherche constamment l'affrontement (Peut-être est-ce un message que souhaite faire passer Miyazaki, comme quoi la fille-louve reste animale en ce qu'elle est pilotée par son instinct ?)
Jigo est très vraisemblable dans son rôle de mafieux de service. Finalement c'est le seul personnage important de type « normal » et pas « héroïque »
Le personnage vraiment important, c'est Eboshi, finalement. Cette businesswoman avant l'heure recueille les exclus de la société (lépreux et prostituées), les protège et les fait gérer sa mine de fer. Mais en même temps détruit la nature sans scrupules. L'idée est de voir un personnage qui a des côtés bons et mauvais. OK, bien fait.
Mais il y a des endroits où le réalisme ne passe pas : le niveau de gaminerie des femmes de la forge, les armes qui passent comme rien du Huo Sang primitif à l'arquebuse via les travaux des lépreux aveugles (oui, ce sont les Portugais qui les ont introduites IRL), la solution évidente de brûler la forêt (ben oui, historiquement c'est comme ça que l'humanité a fait, tu me mets à la place d'Eboshi je crame tout sans regret ni remords) que personne n'a, le combat Mononoké/Eboshi qui finit à l'épingle (sérieux ?), la bataille rangée où les sangliers chargent pour se faire canonner comme à Breitenfeld, Ashitaka qui dit à la princesse qu'elle est jolie (regard au plafond tellement ça tombe à plat...), le village qui serait détruit à n'importe quelle heure du jour et de la nuit par une charge des sangliers de 4 mètres de haut.
Sur le rythme, autant il y a des passages même longs qui tiennent en haleine, autant il y a des ralentissements qui tombent à plat, ce qui est dommage.
Total, on a le sentiment global d'un film qui tergiverse, qui nous montre des personnages et des situations intéressantes, mais sans réelle cohérence. C'est peut-être juste mon ressenti, mais quelque chose ne « colle pas » dans Princesse Mononoké