Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

Condamné à une mort inéluctable, le prince Ashitaka quitte sa tribu pour essayer de comprendre d'où vient la malédiction qui a frappé le démon qui l'a contaminé. Il se retrouve plongé au cœur d'un conflit qui oppose les hommes aux divinités d'une forêt ancestrale.

Ghibli signe ici, au travers de Hayao Miyazaki, une œuvre extraordinaire qui mêle poésie, talent et réflexion. Je n'aurai pas la prétention de faire ici une analyse d'œuvre digne d'un professeur de philosophie, ni même d'un bachelier de Première. Cependant, certaines choses sont à souligner et devraient suffire à elles seules à briser certains préjugés et inciter les gens à regarder ce chef-d'œuvre qui vaut très largement un Walt Disney.

La production, tout d'abord, pour commencer avec du concret. Le film est sorti en 1997, mais son développement date de 1994. Il s'agit de ce que l'on appelle un "anime", c'est-à-dire une création cinématographique animée japonaise. A cette époque-là, l'infographie commence tout juste à prendre son essor au travers notamment de Walt Disney qui propose "Le Bossu de Notre Dame" ou encore "Hercule". Ghibli, reste cependant fidèle à la tradition, et sort "Princesse Mononoke", film de plus de 144 000 cellulos dont plus de 80 000 ont été dessinés par Hayao Miyazaki lui-même. Et l'animation ne correspond pas à ces vieux animes où toute la scène reste fixe et où seule la bouche bouge pour représenter un personnage qui parle. Ici, tous sont expressifs et bougent avec les événements et leurs émotions. Alors oui, n'attendez pas l'harmonie et la grâce d'un Quasimodo contractant douloureusement ses muscles pour se défaire de ses entraves et héroïquement sauver sa belle, mais venez savourer l'art d'un homme qui a passé ses yeux et ses doigts sur plus de 80 000 dessins pour atteindre les couleurs et détails parfaits pour son œuvre.

L'histoire du film est assez extraordinaire. Il est assez rare de voir un jeune homme d'à peine 20ans accepter comme fait inéluctable de mourir douloureusement. Ashitaka accepte stoïquement de ne pouvoir que voyager sans se laisser aller à sa malédiction. Miyazaki tient ici un élément puissant qui fera passer un bon moment à toute la famille : dès le début, on aime le héros, on compatit, et on voudrait l'aider dans sa solitude. Tout le film est bercé d'une émotion unique que je n'ai jamais ressentie dans aucun autre film d'animation. Les sentiments sont parfaitement communiqués, de la haine invétérée à l'amour inconditionnel en passant par la douleur lancinante et la tristesse profonde, le scénario nous emporte avec ses héros et anti-héros.

A ce propos, d'ailleurs, nul personnage n'est véritablement héros. Si aujourd'hui cette idée a un goût de déjà vu, il faut rappeler que pour l'époque, ce n'est pas tout à fait novateur, mais presque. Tous les personnages sont doués de vraies bonnes intentions, mais tous sont détestables par certains égards. Dame Eboshi, Jiko-bou, San, Moro... tous sont un mélange de gentillesse et de méchanceté. Ashitaka, protagoniste principal (quoique non éponyme) permet de représenter physiquement la dualité des autres personnages, par une malédiction mauvaise qui le ronge et un corps pur et sain qui lutte. Seuls les Kodamas (Sylvains en vf) échappent à cette règle.

Miyazaki tente de représenter dans son œuvre de multiples problèmes sociaux dont chaque personnage en sera l'allégorie. Faire la liste et l'analyse n'est pas le propos ici, mais normalement, tout spectateur devrait se retrouver dans au moins un personnage, voire deux ou trois. Au-delà même des personnages, le combat entre la nature et l'industrialisation est à noter et observer. L'une peut être protectrice et paisible, mais elle peut être aussi violente et sauvage. Quant à la seconde, elle est pratique et puissante, mais elle est égoïste et destructrice. Donc si ce film montre les qualités et avantages de tous les caractères, de toutes les opinions et façons de pensées, il rappelle également les travers, inconvénients et torts qui en découlent. Miyazaki appelle à la réflexion et l'introversion.

Ainsi, toute la famille y trouve son compte. Les enfants voient la magie et la féerie de ce film, tandis que les parents en comprennent le message et la portée. Deux ou trois visualisations permettent encore de comprendre certaines choses. Le film transporte toute la famille dans cet univers de dieux et démons, et la sublimissime bande son signée Joe Hisaishi y aide prodigieusement. Ce film est à voir et écouter.

Il n'y a pas que Walt Disney dans la vie. Et "manga animé" ne veut pas forcément dire "Ulysse 31", "Olive et Tom" ou "Albator". Les films des studios Ghibli sont de vrais chefs-d'œuvre, et "Princesse Mononoke" vient pour moi en tête de file. Vous avez le droit de ne pas aimer les mangas. Vous avez même le droit de ne pas aimer Mononoke. Mais vous ne pouvez pas ne pas essayer de le regarder. Tout ce que je vous demande, c'est d'oser, juste une fois, briser vos habitudes Walt Disney et essayer un chef-d'œuvre de l'autre côté du globe par rapport à nous. Vous pourriez être surpris en découvrant ce film. Ou l'adorer une fois encore en le revisualisant.
Kodama09
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le 31 déc. 2014

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Kodama09

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