Princesse Mononoké
8.4
Princesse Mononoké

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1997)

A la fin de l’année 1997, les amateurs d’anime n’avaient que ce mot à la bouche, Mononoke, le dernier Miyazaki qui battait tous les records d’entrées au Japon, ils en parlaient presque à voix basse, avec une sorte de crainte respectueuse et l’impossibilité complète de savoir si le film sortirait un jour chez nous, les difficultés de distribution à l’international restant compliquées jusqu’à l’explosion Chihiro… En plus, nous ne le savions pas encore, mais Disney rachetant justement ces fameux droits hors Japon, il allait faire trainer la chose plus de deux ans pour ne pas perturber la sortie de son film de l’année suivante, une princesse asiatique qui aime jouer avec la poudre… Bon, comme ça, ça leur laissera le temps de piquer deux trois trucs pour Fantasia 2000 en plus, y’a pas de petits profits…
Autant vous dire que si tôt après sa sortie japonaise, lors de la convention annuelle de types bizarres qui se mataient de l’anime sans interruption pendant deux jours et que je fréquentais parfois à la recherche d’un long métrage inédit, même si on ne parlait que de ça, personne n’osait rêver que le dernier film du week-end, non prévu au programme, serait justement le dernier trésor de Ghibli, accompagnée de sous-titres anglais encore chaud et d’une ambiance extatique.


Et là, on se rend compte que Miyazaki n’est jamais manchot pour vous fabriquer un monde plus vrai que nature, des forêts magnifiques, une mine de fer fascinante et tragique, des sylvains fessus, des chevauchées fantastiques, des charges héroïques, tout ce qu’il faut magnifié par la musique de Joe Hisaishi, et cette impression merveilleuse que l’absence de réels méchants éloigne le film du manichéisme propre au genre…


Cinq ans plus tard, je l’avais revu en salle, un peu par hasard, pour faire découvrir à quelqu’un qui, même installé dans son fauteuil n’avait aucune idée du film que je l’emmenais voir… J’avais bien un peu l’impression que le merveilleux était moins coulant que dans mon souvenir, mais baste ! sur grand écran, avec des conditions de projection enfin correctes, ça faisait toujours son petit effet…


Et puis, encore dix ans après, hier, donc, si vous suivez bien, je me dis que ça serait chouette de le revoir, que je me suis refait presque toute l’œuvre du maître deux ou trois fois depuis ce temps là, profitant des ressorties internationales, et que c’est presque le dernier qui me manque, avec Chihiro mais dont le souvenir est plus frais…


Et c’est là que je me rends compte que les souvenirs sont traîtres, et aussi le format TV, bien sûr. De l’histoire merveilleuse, il ne reste plus guère que certains lieux joliment présentés mais qui laissent sur leur faim, une visite de la fonderie, un passage au marché, un début au village, une forêt de fessus, oui, bon, d’accord, les décors sont magnifiques, mais l’histoire manque cruellement pour donner à ces lieux un peu plus de consistance, comme si mon imagination, toujours très fertile, avait sorti de ces décors des tranches de vie qui n’y avaient jamais été placées.
Parce que, c’est bien gentil de nous faire cavaler pendant deux heures un gamin lourdingue faussement mélancolique au milieu des explosions et des déferlements de hordes d’animaux en tous genres, mais ça ne suffit pas à donner une âme au truc, surtout si la musique souligne ça un peu trop, et si les dialogues, pourtant rares, sont le plus souvent d’une mièvrerie insigne (voire complètement superflus, comme ce commentaire final d’un gonze après un plan de dix minutes sur le Dieu qui fait reverdir la montagne : « Oh ! je ne savais pas que le Dieu-cerf pouvait faire reverdir la montagne ! »). Je crois que si le sale gosse hurlait encore une fois qu’on peut tous vivre ensemble dans la forêt, je sortais ma hache et je descendais aux Buttes Chaumont me faire deux ou trois arbres…


En fait, il ne suffit pas d’enlever les méchants pour dissiper tout manichéisme, le gamin insupportable de gentillesse suffit à lui tout seul à vous embarrasser de bons sentiments tout de même, surtout qu'il est bien aidé par une parabole écolo particulièrement lourdingue.


Avec ça, les débuts de la laideur dans l’œuvre de Miyazaki, je me souvenais bien que le premier dieu-mauvais grouillant était un peu pénible, mais j’avais oublié qu’avec le bras ridicule du môme, vous savez le deus ex machina qui le transforme en super-héros dès qu’il en a besoin, et l’interminable final du Dieu-Cerf transparent en fait, ces effets visuels hideux, on s’en tapait tout du long et à un moment, ça fatigue.


J’ai le souvenir que dans Chihiro, ces effets qui atteindront les sommets de hideur dans le Château ambulant étaient bien mieux gérés, mais je n’ose plus m’avancer sur le sujet, maintenant, j’ai presque peur de le revoir.


Alors au final, je suis sorti du film un peu triste, il garde beaucoup de qualités esthétiques, quelque chose d’épique aussi, et toujours beaucoup de merveilleux, mais me semble moins bien tenu que Nausicaä dans une veine très proche, moins riche des petits détails de vie qui font le charme de l’œuvre de son auteur, un peu trop niaiseux pour moi aussi et je suis quelqu’un qui pense que Totoro est le plus grand film d’animation de l’histoire, c’est vous dire… Et puis surtout, il y a cette absence d’humour qui plombe terriblement l’ensemble, et ce n’est pas le personnage de Jiko, fourre-tout et mal intégré, qui va sauver cet aspect des choses…

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le 7 mai 2013

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Torpenn

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