Imaginez, par un sympathique dimanche après-midi chez des amis, laisser votre fille de 8 ans sortir jouer dehors avec la leur. Imaginez ne pas les voir revenir. Imaginez-vous tenir le principal suspect de l'affaire à votre merci, et imaginez l'animosité de l'être humain dans une telle situation pour retrouver sa progéniture. Que feriez-vous coincé entre la retenue requise et la proche tentation ?
L'homme dans ce qu'il a de plus violent et de plus enfoui, c'est ce que nous raconte Denis Villeneuve dans ce polar sombre, qui à défaut d'être pauvre en gaieté, compense par son intensité et sa qualité. Prisoners doit en premier lieu à ses acteurs: un Hugh Jackman grave et rongé par le tourment, un Jake Gyllenhaal à son meilleur en flic déterminé, et un Paul Dano doué par sa seule expression du visage.
Autour, le cinéaste plonge ses personnages dans un univers sombre et intemporel, comme pour gommer toute notion du temps chez le spectateur. Puis il multiplie les focus et les plans rapprochés, confinant ainsi les héros dans le tourment le plus total, et conférant une forte tension à chaque séquence. L'effroi s'installe...
Malgré la noirceur du récit, on reste accroché du début à la fin à chaque seconde qui s'écoule dans la traque du coupable. Denis Villeneuve, connu pour le très réussi Incendies, congestionne son spectateur dans une intrigue haletante sans jamais l'étouffer, c'en est même bluffant.
Une mise en scène poignante, des acteurs saisissants, une photographie soignée, un scénario mesuré, font de Prisoners un thriller prenant dans la veine de Zodiac ou de Mystic River. Impossible de s'enfuir, nous voici dès à présent...Prisonniers.