Analyse des conséquences de la foi dans Prisoners
Cette analyse contient des spoilers :
L'ayant vu deux fois, je pense que le film tourne autour de la thématique suivante : les conséquences de la foi.
Les parents tueurs :
Ils sont Prisonniers de la pensée idéaliste, absolutiste et dogmatique de la religion chrétienne. A la mort de leur enfant, plutôt que d'opter pour une vision matérialiste et relativiste du monde, ils ont suivis la logique dualiste "Bien/Mal" et se sont tournés vers un autre maître, le diable (le serpent dans la bible), qu'ils ont servis avec autant de passion.
La foi chrétienne est donc ici à l'origine de la haine et de la violence de par son caractère prosélyte et antinaturel (recherche de l'absolu).
C'est une généalogie du mal qui montre que l'incapacité à penser le monde tel qu'il est mène à la croyance aveugle en des dogmes déconnectés du réel et donc à la frustration, la haine de soi et des autres. Tout le monde en paye le prix dans le film.
Dover :
Archetype du croyant en proie à la culpabilité : son père s'est suicidé (on sait ce que représente le suicide chez les chrétiens), donc volonté de compenser cette perte par une sur-présence à tous les niveaux. Il devient lui même un "dieu" dans sa famille, celui qui a jurer de les protéger. or c'est encore une illusion. Il décevra sa femme, son fils, ses amis, et compensera hélas par des actes de violences non maîtrisés qu'il tentera en vain de justifier par sa volonté de faire le "bien".
Dover est aussi l’archétype du "self made man". L'américain "anti-état" qui n'a besoin de personne et qui ne croit pas à ses institutions. Il a de bonnes intuitions mais il est condamné par le film pour avoir suivis cette logique jusqu'au bout, aveuglé par la peur de "la perte de la foi". Mais sa capacité à toujours se "préparer au pire" et son instinct lui sauve peut être la vie à la fin (le sifflet c'était son idée !).
Loki :
Le personnage de Loki est central parce qu'il est le plus ambigu. Il est l'opposé de Dover au niveau du caractère. Il est froid, logique, intelligent mais sans intuition, n'a pas de famille, pas d'attache.
Mais surtout, il incarne l'Etat procédurier, déshumanisant, déconnecté lui aussi de la réalité. C'est une machine.
En revanche son rapport à la fois est complexe et là j'avoue que je pêche.
- Il porte une croix tatouée sur sa main gauche (début du film).
- Mais il a vécu dans un pensionnat religieux qui lui a laissé un mauvais souvenir (la conversation avec le prêtre), ce qui laisse à penser que la religion ne l’intéresse pas ou qu'il en a été victime plus jeune. Étrange contradiction en tout cas.
Continuons...
- Il porte différents symboles tatoués sur son corps en plus de la croix : un motif sur le bras droit, des symboles ou lettres sur les phalanges droites, une sorte de soleil sur le cou et....une bague de franc-maçon avec le symbole du compas reconnaissable au 2/3 du film seulement (on sait que les policier y sont souvent affiliés) qui fait pour le moins contraste avec la croix !
- Il est séduit par le suspect au labyrinthe (symboles)
- Il est intrigué par les signes astrologiques chinois dès la première scène dans le restaurant.
Je ne sais qu'en penser et j'aimerai bien avoir l'avis d'un spécialiste des symboles ! A bon entendeur...
Le défaut de Loki c'est qu'il ne voit pas, qu'il ne croit pas. Il a la logique, l'intelligence mais pas l'intuition et encore moins la foi.
Pour preuve :
- il ne fait pas la connexion avec le pendentif sur la photo du père dès le début du film qu'il revoit pourtant le lendemain (ou presque) sur le cadavre. (Il fera le lien trop tard).
- La fenêtre ouverte chez Dover qu'il ne considère que bien trop tard (Dover est persuadé que sa fille est morte à cause de ses vêtements en sang).
- La planque où Alex est torturé qu'il ne voit pas alors qu'il passe dans le couloir juste à côté.
- Il retourne au mauvais endroit à la fin, persuadé que Dover est là bas. Il retournera chez la mère que parce que son patron le lui demande !
Tout cela n'est pas entièrement de sa faute car les aléas du réel dictent leur lois, mais aussi car les agissements de Dover l'induise en erreur et vice versa.
Ils se gênent mais ne se complètent jamais alors qu'il sont les deux faces d'une même pièce. l'un à la logique, l'autre l'instinct. l'un a la foi chrétienne, l'autre une vision ouverte (franc-maçon ?), l'un est seul, l'autre a une famille...
D'ou la question de la fin à présent que j'appellerai :
L'acte de foi /ou non/ de Loki
Pensez à la phrase de Dover : "Prier pour le meilleur, se préparer au pire".
L'instinct de survie de Dover, ou sa paranoïa, font qu'il se retrouve avec le sifflet de survie de sa fille entre les mains alors qu'il n'avait plus aucun espoir de survie. Son instinct à payé, il s'était préparé au pire en l'offrant à sa fille.
Reste à prier maintenant, priez pour que Loki, qui jusque là est passé à côté de tout les indices pourtant posés sous son nez, priez donc pour que ce dernier y croit enfin !
Acte de foi ou déduction logique ?
il s'agit de choisir entre un oui et un non, l'espoir un peu fou, improbable même (après tout c'est ça la foi), que derrière ce petit son de sifflet se cache un Dover mourant (et par ailleurs la clé de l’enquête qu'il est le seul à connaitre), ou bien la résignation à la morne réalité, (99,9% de chances que ce ne soit rien) ce coup de sifflet n'est qu'un son dans la nuit.
Le spectateur peut donc se dire :
-Il ne fera rien car il ne croit pas.(il est trop cartésien pour avoir la foi).
-Il fera car enfin il croit (il retrouve la foi)
-Il fera car il s'est rappelé l'histoire du sifflet" (il vient d'en voir un autour du coup de la gamine et la mère vient d'en parler à l’hôpital) et utilisera alors sa logique dans le bon sens (enfin !)
La question de la foi prend alors toute son ambiguïté. Elle est analysé par le film, dans toute sa complexité, à la fois comme généalogie du mal, mais aussi comme insatiable pourvoyeuse d'espoir, un élément presque inhérent à l'homme.
Le besoin de croire semble nous mener souvent au pire, mais c'est ce même besoin qui fait de nous des hommes, pour le meilleur et le pire. Terrible sentence !
Tellement de choses à dire sur ce film, on a même pas aborder les aspects de la mise en scène. Géométrie empoisonnante des éléments du cadre, décors naturaliste, rôle de la voiture, le concept de "victime", de "prisonnier"....C'est un puits sans fond !
Merci à vous.