La vieillesse est certes un naufrage, mais heureusement, le travail c’est la santé. Montgolfière d’or il y a deux ans au Festival des 3 continents, il est facile de comprendre ce qui a plu dans Professeur Yamamoto part à la retraite : observation minutieuse d’un psychiatre octogénaire, Kazuhiro Soda opte pour le temps long, celui de la contemplation et de l’écoute. Le film s’ouvre sur une série de consultations où les patients exposent leurs détresses, auxquelles ils trouvent une oreille attentive. Bien que la retraite du psychiatre soit tardive, tous semblent vivre son départ comme un abandon ; c’est dire la relation de confiance qui unit les personnages, et que l’on prend plaisir à constater à travers un dispositif sobre et intimiste. Kazuhiro Soda est seul derrière la caméra, créant une relation équilibrée entre cinéaste, médecin et patient, où chacun est vulnérable à sa manière.
Passées les dernières consultations, on assiste à quelques journées du tout jeune retraité, qui se montre assez distrait. L’heure n’est plus à l’écoute mais à la flânerie devant la télévision avec son épouse Yoshiko. La lenteur devient alors celle de la fonte musculaire, où chaque mouvement est laborieux et épuisant. Mais ce temps suspendu est également celui de l’inéluctable arrivée de la mort, dont l’effrayant silence se fait ressentir à deux reprises : d’abord sur l’homme puis la femme, tour-à-tour isolés. Dès lors, rien d’étonnant à ce que le film se conclue par un gros plan du couple se tenant la main dans un cimetière.
Cette amertume se ressent notamment lors des flashbacks en noir et blanc, parmi lesquels on entend Yoshiko regretter le travail trop prenant de son mari quinze ans plus tôt. Cet extrait est d’autant plus triste qu’elle n’est pas encore atteinte de démence et que le professeur admet l’avoir « sacrifiée » au profit de ses patients. On se demande alors dans quelle mesure cette retraite tardive était une manière de fuir son vieillissement et celui de son épouse ; ce questionnement reste toutefois sans réponse tant la bienveillance du cinéaste prédomine. Aimer ses personnages et garder une trace de leurs vies, tel est le projet tout à fait réussi de Kazuhiro Soda.
Site d'origine : Ciné-vrai