Turbulences pour le "Prometheus".
Ainsi donc le voilà, le titan "Prometheus"... Celui que l'on clamait déjà comme "le grand retour de Ridley Scott" ou "de la S-F, la vraie !" dans les salles obscures.
Celui qui, des mois durant, n'a cessé de tisser des liens avec la quadrilogie bien célèbre initiée par Scott en 1978 au détour d'une promotion aussi alléchante qu'agressive. C'était à se demander ce que nous apporterait le film aussi bien pour l'avenir de la Science-Fiction au Cinéma que pour le passé mystérieux de nos Xénomorphes.
Ironie du sort, tel Prométhée qui s'est fait châtié par Zeus pour avoir tenté de l'égaler, "Prometheus", lui, souffre également de la prétention de ses intentions.
Résumons les choses : "Prometheus" n'est pourtant pas un mauvais film. Sa volonté de créer une atmosphère forte distillée petit à petit est amplement réussie, en témoigne cet effort impressionnant dans les décors, qu'ils soient étrangement naturels ou organiques comme des œuvres de Giger.
C'est l'un des buts premiers du Cinéma, crée un monde à part, voire impossible, dans lequel pourtant le spectateur devra au mieux rentrer sans se poser de questions.
Et sur ce plan là, c'est carrément contemplatif. Cette atmosphère lourde et étrange qui règne sur le film, au détour de temples étrangers peuplés d'entités aussi repoussantes qu'intrigantes ou de nuages électriques digne d'un Turner, est fascinante et rejoint en tous points le cahier des charges d'un film de Science-Fiction.
C'est beau à voir et à analyser et de nos jours, ça fait extrêmement plaisir, d'autant plus que Ridley Scott semble ne pas avoir perdu la main dans sa mise en scène plus ou moins calme et posée. Calme et posé, justement... Se laisser attirer dans le film ainsi, c'est justement l'essentiel.
Le vrai problème de "Prometheus", car problème il y a, c'est que l'on ne sait pas trop ce que l'on regarde derrière ces belles images. La principale cause, c'est le scénario de Damon "Lost" Lindelof et Jon Spaihts. Bon, pas qu'eux.
Tout le monde sait qu'à l'origine, Ridley Scott voulait faire revivre son bébé d'"Alien", tombé depuis quelque temps dans le grand n'importe quoi (en témoignent ces deux rejetons douteux d'"Alien vs Predator"), au détour de deux prequels qu'il aurait seulement produit dans un premier temps.
Si d'un commun accord avec les deux scénaristes engagés, la chose s'est officiellement transformé en une autre idée unique, une nouvelle mythologie "à l'ADN semblable" à "Alien", difficile de ne pas avoir l'impression, face au résultat final d'assister à deux films différents.
Dans le premier film, on a cette très bonne idée de la rencontre entre l'Homme, cet être vaniteux et insolent, et ses Créateurs. Une telle idée qui a ravit des familles entières de philosophes et de romanciers à travers le temps.
Une vraie idée, avec un potentiel métaphysique tellement imposant qu'on était obligé de miser sur un tel projet en ces temps de S-F morne et sans véritable fond.
Mais une idée est une idée, et en l'occurrence, "Prometheus" ne va pas jusqu'au bout. Il joue la carte de la "Mystery Box" si chère au compère "Lostien" de Lindelof, c'est à dire qu'il pose beaucoup de questions et d'enjeux avec son groupuscule de personnages... sans jamais rien n'en faire.
De cette équipe d'une quinzaine de personnes, seules quatre semblent réellement exister et être les personnages-clefs de ce mystère philosophique qui concerne autant les protagonistes que le spectateur, curieux d'un tel spectacle mais surtout, des interrogations soulevées par un tel potentiel de réflexion.
Mais on se contentera au final de réponses maladroites à moitié intéressantes et donc à moitié dévoilées, pendant que d'autres sont complètement laissées de côté sans motifs. Si certains parti-pris ne sont pas négligeables (l'étrange et fascinante relation de David envers l'humain et la Création,étant pourtant le seul être cybernétique du groupe, interprété avec brio par Michael Fassbender), "Prometheus" semble plus se préoccuper des conséquences de ses non-évènements réveillés sur une seule personne, ici le personnage de Elizabeth Shaw, sous-Ellen Ripley très maladroitement développée interprétée par Noomi Rapace, qui accumule les morceaux de bravoure pour un résultat finalement vain. Plus involontairement que volontairement, d'ailleurs.
Si "Prometheus" avait eu une véritable interprétation à fournir sur son sujet, on aurait pu avoir le sentiment d'assister à un renouveau du genre. En l'état, c'est juste une bonne idée interprétée de la mauvaise façon, et surtout trop dépendante du deuxième film qui le constitue.
Ce second film, vous l'aurez compris, c'est ce prequel à peine inavoué d'"Alien" qui fait souffrir plus qu'autre chose le métrage. D'un côté on nous offre une idée novatrice et ô combien intrigante, de l'autre on la relativise pour faire passer en priorité des explications plus qu'inutiles au pourquoi d'"Alien". Enfin inutiles, c'est une question de point de vue...
C'est juste que les ajouts grossiers et surexpliqués de la mythologie de Dan O'Bannon et Ronald Shussett essaient de faire office de réponses au premier film, alors que la greffe ne prend véritablement jamais.
En résulte un film scindé en deux ou on ne sait plus trop ce qui se passe à l'écran, car éparpillé à droite à gauche sans véritable lien ou but précis, car trop occupé à essayer de copier son inégalable modèle original que de résoudre véritablement son enjeu premier.
C'est tristement dommage, car "Prometheus" avait des qualités indéniables pour faire date dans le Cinéma d'aujourd'hui, au lieu de n'être qu'un bon objet de divertissement, trop maladroit et dépendant de son affiliation pour être pris au sérieux et trop conventionnel pour bouleverser quelques règles du genre.
C'est ce qu'on appelle un rendez-vous manqué, et on se demande bien ce que pourront nous apporter de plus les suites à venir, déjà prévues depuis le début de l'aventure. Sûrement du vide spatial, au pire.