« Prometheus, are you seeing this ? » ELIZABETH SHAW

En cet ère de remakes, d’adaptations et de suites à n’en plus finir, le retour vers le passé continuellement nourri par les têtes pensantes en manque d’idées du grand Hollywood aura mené à des résultats beaucoup plus navrants que réellement satisfaisants. Une opinion que partage visiblement Ridley Scott, croyant fermement que le tour de la question avait été fait depuis longtemps en ce qui concerne Ellen Ripley et son éternel combat contre ce cruel étranger et qu’il était maintenant temps de passer à autre chose.

C’est pourquoi le vingtième film de Ridley Scott, d’abord prévu comme un prequel au Alien de 1979, aura fini par prendre une tournure complètement différente durant son développement. Il prend, certes, place à l’intérieur du même univers, et ce, bien avant le passage du Nostromo sur LV-426, mais ne cherche en aucun cas à bâtir un pont devant mener directement aux événements de Alien, le récit se déroulant d’ailleurs sur une lune adjacente à celle visitée dans le premier épisode.

Il s’agissait évidemment d’un pari risqué, mais néanmoins intrigant, qui suscitait bien des interrogations, mais semblait tout de même vouloir s’imposer comme une proposition beaucoup plus significative dans le paysage actuel de la science-fiction.

Dommage que la production du film n’a jamais été clair sur ce que serait le film. D’un côté Ridley Scott annonçant que son film ne sera pas une prequel de Alien, mais un film à part entière ; de l’autre côté les scénaristes Damon Lindelof et Jon Spaihts annonçant qu’il s’agit bien d’une prequel… À ne rien n’y comprendre pour les spectateurs qui vont se rendre en salles…

Ridley Scott n’a jamais compris pourquoi aucun des chapitres ayant suivi le sien ne s’était intéressé à la provenance de cet immense vaisseau échoué depuis un bon moment sur cette sombre surface et de sa cargaison des plus dangereuses. C’est sur la découverte de l’identité de ce géant ayant subi le même sort que celui qui attendait le personnage interprété par John Hurt que porte le scénario de Jon Spaihts et Damon Lindelof.

L’une des idées particulièrement brillante du duo aura été d’articuler l’expédition interstellaire pour le compte de Peter Weyland, fondateur de la fameuse compagnie Weyland, autour de percées scientifiques faisant, notamment, écho aux théories bien réelles du Suisse Erich von Däniken sur le rôle qu’auraient joué des entités extra-terrestres dans le développement, voire la création, de l’espèce humaine. La séquence d’ouverture du présent exercice abondera en ce sens alors que le sacrifice de l’un de ces ingénieurs mènera au début de la vie sur Terre.

Prometheus sort donc en 2012, avec toujours cette incertitude d’être un prequel à Alien ou non.

Le titre du film, comme le nom de l’embarcation devant potentiellement mener le groupe d’astronautes à la rencontre de ses créateurs, évoque pour sa part l’histoire du titan Prometheus qui, dans la mythologie grecque, avait été chassé de l’Olympe par Zeus pour avoir fait don du feu à l’Homme. Mais l’invitation découverte n’en était peut-être pas une au bout du compte et le voyage prendra vite une tournure pour le moins horrifiante, tandis que les objectifs réels de la compagnie se révéleront une fois des plus purement égocentriques, elle qui cherchera à mettre la main sur une autre forme de « feu sacré ».

Les similitudes entre Prometheus et Alien abondent sur le plan esthétique et narratif. Rifles Scott et ses acolytes ne cachent d’ailleurs jamais leurs intentions, alternant entre les citations directes et les hommages plus discrets au film de 1979 (les compositions magnifiques de Marc Streitenfeld reprenant certains élans de la trame sonore de Jerry Goldsmith) comme aux suites qu’il aura engendrées.

Les scénaristes revisiteront évidemment de leur côté plusieurs thèmes fondamentaux de la série, tournant, notamment, autour des méthodes de procréation d’une menace, d’une arme, aux traits déjà hyper sexualisés, et des rapports de force entre un créateur et sa création. Ils joueront également de finesse en permettant à ses personnages de ne pas répéter les mêmes erreurs que l’équipage du Nostromo en ne laissant pas un danger potentiel réintégrer le Prometheus, et en se débarrassant rapidement d’une menace ayant pris forme dans le corps d’un des membres de l’équipage lors d’une séquence d’avortement pour le moins troublante.

Bien que la mise en scène de Ridley Scott soit moins glauques et claustrophobes que dans Alien, le cinéaste n’a visiblement pas perdu la main pour ce qui est de développer un monde capable de fasciner le spectateur. Par l’entremise d’une approche qu’il aura su habilement renouveler, le cinéaste aura mis sur pied une facture visuelle aussi spectaculaire que perspicace, étant toujours au service de l’histoire comme du propos et de l’univers du film en soi. Le tout dans des décors d’une stérilité altérée des plus inquiétantes, qui nous fait malheureusement oublier la direction artistique d’un Hans Ruedi Giger.

Le scénario se révélera également des plus perspicaces dans sa façon d’aborder toute la question des origines de l’Homme, secouant considérablement les fondations du darwinisme comme du christianisme. L’entreprise marque ainsi l’expansion d’un univers fictif ayant toujours eu tendance à fonctionner de manière cyclique. Le tout marque d’autant plus d’un brillant retour à la science-fiction pour un réalisateur qui aura complètement délaissé le genre après en avoir pourtant signé deux des oeuvres contemporaines les plus importantes, mais...

La fâcheuse tendance de l’écriture de Damon Lindelof revient à triple galop. Scénariste bien connue des fans de la série LOST, le messieurs finit toujours pas poser plus de questions qu’il y en avait au début du récit. Et on se retrouve dans cette même situation dans Prometheus.

Ridley Scott aura su s'entourer d’une autre distribution parfaitement assemblée, au coeur de laquelle brillent un Michael Fassbender offrant une autre solide performance dans la peau d’un androïde dont nous ne pourrons que douter des intentions.

Noomi Rapace est appelée à jouer les femmes fortes, et même à incarner la vierge Marie, dans une certaine mesure, mais dans un registre suffisamment différent, voire beaucoup plus vulnérable, pour éviter toute comparaison avec le célèbre personnage de Sigourney Weaver. La personnalité de Ripley aura d’ailleurs été soigneusement scindée ici en deux facettes, la plus intransigeante étant représentée par une Charlize Theron tout aussi convaincante (sauf dans sa course mortelle).

Parmi l’équipage, notons la présence à bord du PDG centenaire de la compagnie l’impitoyable Peter Weyland, interprète par un Guy Pearce trop lourdement maquillé, venu chercher l’immortalité dans les étoiles. Le reste de l’équipage ne sera que de la chair à canon même si on a des noms comme Idris Elba, Logan Marshall-Green, Rafe Spall ou Sean Harris.

Les fans de la saga Alien, dont moi, ont été déçu de ne pas voir une prequel centrée explicitement sur les origines de sa créature, seul un proto-xenomorphe, plus communément surnommé le Diacre en raison de la forme de sa tête, formé suite à l’imprégnation du dernier ingénieur par le Trilobite apparait dans dans les dernières minutes du film ou sur les circonstances qui ont conduit le vaisseau du Space Jockey a s’écraser.

Damon Lindelof et ses sales habitudes…

Le film a été également beaucoup critiqué pour ses quelques passages défiant parfois le bon sens. Comme quand Fifield et Millburn se perdent et agissent de manière absurde face à un extra-terrestre ou l’agaçante façon de courir du personnage de Charlize Theron. Pourtant, même ces moments sont terriblement efficaces grâce à la mise en scène de Ridley Scott et l’implication de ses acteurs.

Si Prometheus est un film qui a divisé les fans et les critiques à sa sortie il s’est imposé avec le temps, comme l’une des oeuvres les plus marquantes du genre. Au-delà de ses imperfections, Prometheus parvient à captiver le spectateur par sa beauté visuelle et son ambition philosophique et surtout qui, aujourd’hui encore, ne laisse pas indifférent, suscite le débat et invite à la relecture.

StevenBen
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le 20 août 2024

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Steven Benard

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