C'est fou comme on peut me prédire un navet, un pétard mouillé (et pour sûr, le film est dans les premiers de cette liste, justement) et moi d'y voir un vrai bon film. Car le sentiment ne m'a pas lâché, et ce durant tout le visionnage, d'avoir l'impression que, face à ce film, quelque chose se passait.
Un événement, du mouvement.
Cela me le fait souvent devant les films métaphysiques, les films un peu mystérieux, où l'on semble nous donner une vérité à déceler, une clé de l'origine de la vie (ou autre) et où l'intrigue semble tellement réelle dans son incohérence (le postulat de la science fiction est pratique car par le prétexte du futur, tout devient possible). Comme après avoir vu Benjmain Gates je suis pris d'une envie de voyager au Mont Rushmore et de tirer un rocher pour découvrir la cité d'or (tant tout cela me semble réel), après ce Prometheus, j'ai envie de voyager en Ecosse et d'y découvrir les fresques illustrant la création de l'humanité.
Ridley Scott lance un pari osé : renouer avec l'espace, après le succès majeur d'Alien, et tenter de proposer sa vision de la création de l'homme. Et, à mon humble avis, le pari est gagné (mais beaucoup, sans doute, à en voir la moyenne du film, disent l'inverse). Car selon moi Scott parvient, avec l'efficacité qui est la sienne, à allier plusieurs genres cinématographiques ensemble sans que cela ne fasse nullement tache. Il délivre donc un excellent film de science-fiction (métaphysique, on l'a dit), un solide divertissement aux effets spéciaux fabuleux (autant dans les décors, magnifiques, qu'il filme avec une immense classe - le générique, mon dieu ! - que dans les effets spéciaux,notamment sur la fin, le film est en cela un aboutissement esthétique) autant qu'un film d'angoisse et une comédie. Car chez Scott, et cela se confirmera avec Seul sur Mars, le rire n'est jamais loin, et la légèreté de ton peut parfois dérouter. Mais c'est pour mieux rendre crédible l'humanité de son film.
Car, en se focalisant, comme dans Alien, sur l'équipage d'un vaisseau, Scott fait la part belle aux acteurs, et laisse certaines têtes nouvelles s'exprimer. Il fait évoluer les acteurs dans des zones d'inconfort (comme Fassbender, habitué à l'époque aux rôles de beaux-gosses, ici affublé d'un air glacé et d'une moumoute blonde parfaitement artificielle, ou encore Rooney Mara, qui avec son air malsain tient avec énergie et force le premier rôle, pourtant exigeant - on repense à la scène d'auto chirurgie, sans anesthésie- ).
Si l'on pense évidemment à Alien (tant dans la forme que dans le fond, le film se voulant sorte de préquel qui se relie, à la fin,de manière un peu forcée à la saga, sans que pour autant cela fasse tache ou gêne l'intrigue : non cela reste très cohérent), on pense aussi à Mad Max, Fury Road, George Miller semble clairement s'être inspiré de l'univers créé par Scott, ou encore à Shine, de Danny Boyle, dont il récupère le schéma d'intrigue, et même le méchant, mais dont il,évite honorablement tous les défauts. Mais aussi et surtout The Thing, dans sa dernière partie, plus horrifique que la première, où le réalisateur filme les couloirs du vaisseau comme Carpenter filmait ceux de sa base arctique, et embarque avec lui le spectateur de la même façon (frissons garantis).
Mais si la partie divertissement de qualité prime sur l'ensemble, Scott ne dévalorise pour autant pas la partie mystique, métaphysique, qui sert, non pas de prétexte, ce serait parler péjorativement, mais de point de départ au reste du film. Et là encore Scott évite habilement les écueils d'un tel sujet (parler de la création des hommes à Hollywood peut réserver quelques frayeurs...) car le souffle métaphysique qui porte le film est malin parce que discret : Scott ne donne aucune réponse, ni même de clefs, n'impose pas de vérité comme beaucoup trop de films le font et laisse à son scénario de grosses zones de floues. C'est pourquoi la fin semble précipitée, pressée, comme si Ridley Scott devait se plier aux carcans temporels d'Hollywood et céder aux schémas scénaristiques en s'empêchant d'en dire plus, de pousser plus loin ce projet qui semble lui tenir à cœur : la fin est terriblement excitante en cela, et l'emporte sur les défauts du film (des incohérences, des personnages caricaturaux, des situations absurdes qui semblent ne choquer aucun personnage, etc.), car tout ne semble pas avoir été dit et car quelque chose, dans cet honnête film, semble s'être passé.