Pulsions
7.4
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Film de Brian De Palma (1980)

Il y a cette capacité fascinante, dans le cinéma de De Palma, d'allier avec nonchalance et dans un même film les effets les plus "mainstream" à un cinéma de tradition européenne plus cérébral. Ce mélange explosif, dans "Dressed to kill" (1980), passe aussi par un mélange des genres, comme l'écrit le critique américain Daniel Stephens : "For all its worth as a thrilling psychological drama, it has true connotation of gothic horror, romance, comedy and porn. One scene might feel like another movie, but it is the juxtaposition - the romance followed by the horror, the psychological drama followed by the comedy - that gives the film a distinct edge".

Beaucoup se seront arrêtés, devant ce cinéma privilégiant ouvertement le divertissement, aux aspects ludiques : l'enquête avec ses rebondissements prévisibles, les scènes dénudées très osées ou les répliques salées du commissaire de police, le profil caricatural de certains personnages, le look et la musique très eighties du film. D'autres auront prêté un regard plus attentif aux habituels clins d'oeil en direction d'Hitchcock, figure récurrente chez De Palma qui a l'habitude de citer ses maîtres (Antonioni l'est notamment dans "Blow out"). Ici donc, comme dans l'excellent "Body Double", les références au maître du suspens sont nombreuses. La scène du musée tout d'abord, pensée comme un hommage à "Vertigo" est aussi, grâce au travelling de De Palma, un contre-champ sur le visage de Madeleine et en ce sens un dépassement du film original, une manière de rentrer dans l'image d'origine et voir ce qu'il se cache derrière. La scène clé de l'ascenseur cite plus loin ouvertement "Psycho". Espaces clos et montages se répondent même si De Palma montre le sang et la chair tranchée là où, chez Hitchcock, les coups de couteaux étaient autant de coupes, la lame coupant la pellicule elle-même. C'est à partir du moment où nous voyons la lame de rasoir de la tueuse (l'instrument de la coupe) que le montage s'emballe. De Palma ira même de sa scène de douche dans la dernière partie du film. Mais "Psycho" est avant tout pris comme modèle scénaristique - De Palma n'hésitant pas à sacrifier son actrice principale, premier nom au générique, au tiers du film.

Pourtant "Dressed to kill" est comme un oignon et chaque couche semble apporter de nouvelles matières à réflexion. Parmi les nombreuses pistes intéressantes, reportons-nous au remarquable texte de Luc Lagier sur le film (in "Les mille yeux de De Palma", édition des Cahiers du cinéma). Lagier revient sur deux "marottes" du cinéaste : l'ascenseur et le train, deux scènes clés, deux tournants du film. Comme il y a des ascenseurs dans "Body Double", "Raising Caïn", "Mission : impossible", "Carlito's way" ou "Snake eyes". Les trains, de même, sont présents dans "Carlito's way", "Mission : impossible", "The Untouchables" etc. Alors pourquoi ?
"L'ascenseur est une figure du défilement vertical que l'on pourrait rapprocher de la pellicule cinématographique. Désormais enfermée dans un ascenseur qu'elle ne parvient plus à maîtriser, Kate est enfermée dans un récit pré-programmé, elle se trouve symboliquement à l'intérieur du film, prise dans le défilement incontrôlable de la pellicule". De même peut-on poursuivre, le train opère un défilement horizontal qui piège les personnages du récit, les destinant à une fin tragique. Seul l'espace entre les wagons, c'est-à-dire entre les photogrammes est une zone libre, un échappatoire. C'est là qu'opère la tueuse blonde. C'est là qu'elle surprend Kate.

Des plans-séquences aux split-screens répétés liant les personnages entre eux (et anticipant bien sûr le dénouement du film) ou l'utilisation d'une caméra-oeil pour démasquer le tueur, il y aurait encore beaucoup à ajouter sur un film techniquement très riche qui travaille sur la transition, l'entre-deux (cinémas, sexes, états), le provisoire. Sans se prendre au sérieux, De Palma réussit un film comme seul Leone avant lui avait su le faire : un remake/original comme une possiblité de réécriture du cinéma, une nouvelle page, une dernière jeunesse. De Palma comme Leone est de la deuxième génération de spectateur : de ceux qui connaissent les codes et savent d'autant mieux se les approprier. Dès lors, comment reprocher les trous de son scénario à un film qui propose une mise en scène aussi aboutie, des trouvailles formelles adaptées à chaque scène, bref, du ci-né-ma ?!
bilouaustria
8
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le 1 nov. 2012

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le 1 nov. 2012

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bilouaustria

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