Minnelli était un génie qui n'avait pas de possibilités très larges de se révéler. Habitué à Broadway et doué d'une sensibilité pour le mouvement, le dessin et les costumes, il avait des atouts étroits, mais pile ceux qu'il fallait pour monter des œuvres du genre de The Reluctant Debutante, aussi mondaines que rebelles.


Comme il l'aurait souhaité, on oublie que c'est du huis clos. Quant à ce qui reste de broadwayen, c'est emporté par Rex Harrison et Kay Kendall. Il s'agit du seul film qu'ils ont fait durant leur mariage et leur complicité est magique. Elle protège le scénario contre des dérives à la vaudeville et permet aux acteurs de savoir précisément quand et comment lancer les lignes les plus juteuses de leurs hilarants dialogues.


Mais plus qu'entre quatre murs et cinq personnes, la réussite de l'œuvre est en ce qu'elle se situe entre deux époques. Là aussi, Minnelli a su faire passer son talent par le chas d'une aiguille et jongler avec des valeurs qui étaient non seulement d'actualité, mais vouées à disparaître très vite.


Le savait-il ? En tout cas, il n'avait pas beaucoup de temps (grosso modo moins de dix ans) pour créer cet univers familial presqu'éclairé, sans pression parentale et sans choc générationnel qui vienne semer la pagaille. Le milieu bourgeois choisi y aide, et il ne faut pas le laisser nous faire croire que la haute société des années 50 était en train de changer la société en général, en revanche ce n'est pas le genre de cadre où l'on peut s'attendre à des métaphores sexuelles quasiment explicites et à des discussions intimes entre parents et enfants.


Ce que Minnelli réussit le mieux ici, c'est de capter cette atmosphère étonnamment stable où l'art ne cherche pas désespérément à donner raison à la sagesse des parents (comme c'est normalement le cas dans les années 40 et 50) ni à l'ouverture d'esprit des jeunes (comme c'est devenu le cas avec l'accession des baby boomers à l'âge adulte). Il immortalise un état de grâce où tous les âges sont socialement égaux. Les jeunes, quant à eux, refont le monde sans révolte - ce qui est d'autant plus parlant quand on sait que Sandra Dee, 14 ans, mentait sur son âge pour obtenir des rôles plus adultes comme celui-ci qui lui va d'ailleurs comme un gant.


Le seul tort du film est d'être aussi étroit que l'aire d'expression de son réalisateur : son histoire n'a de sens que cette année-là, avec ces acteurs, dans ce cadre et sur ce sujet. Mais si ce n'est pas un coup de chance, alors c'est un sacré coup de théâtre.


Quantième Art

EowynCwper
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le 4 déc. 2020

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Eowyn Cwper

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