L'homme en s'inventant des dieux, s'est aussi inventé des démons



  1. Les tam-tams des Mescaleros propagent le message du chef Victorio par-delà les montagnes arides du sud ouest. Un peuple affamé se révolte et s'en prend aux communautés dont les habitants commercent en paix ou exploitent les mines d'argent. Spanish-Boot est l'une d'entre elles.



Hugo Fregonese présente avec "Quand les tambours s'arrêteront" un western d'une efficacité redoutable dans lequel le cinéaste témoigne d'un savoir-faire absolu autour de la mise en scène ainsi que la direction d'acteurs. Un western appliqué à la réalisation soignée, stylée, luxurieuse et dynamique, à laquelle se mêle un scénario minutieux et ambitieux dans lequel on suit Sam Leeds (Stephen McNally), un joueur solitaire qui se fait expulser du village de Spanish-Boot par le maire Mayor Joe Maddsen (Willard Parker) après avoir tué un homme, et qui se retrouvent malgré le ressentiment l'un pour l'autre contraint de devoir faire équipe lorsque environ deux cents Indiens Mescaleros ayant traversé la frontière mexicaine en semant un véritable chaos sur leur passage, prennent d'assaut le petit village. Rapidement les villageois préparent leurs défenses mais devant le déchaînement ravageur des Mescaleros, les habitants encore vivant n'ont d'autres choix que de se retrancher dans une église. Un refuge devenant une véritable prison pour les survivants, transformant la structure du récit en prenant des allures de huis clos où le suspens et la tension ne cessent de grimper à mesure que les attaques Indiennes s'enchaînent.


La réalisation atmosphérique d'Hugo Fregonese est autant saisissante que bluffante avec des cadrages soignés, une photographie léchée, ainsi qu'un découpage intelligent. Une technicité experte au service d'un contraste haletant qui va continuellement crescendo grace, dans un premier temps, à un lot de scènes d'exposition intelligemment mis en images avec des détails implicites par le biais de vaste décor ouvert qui alimente l'inquiétude et le suspens à mesure que l'intrigue avance. La seconde partie du récit devient plus palpable en se transformant en un huis clos où l'action prend le pas avec un lot de fusillade conséquente appuyé par une inquiétude étouffante et omniprésente à cause des Indiens qui tels des esprits démoniaques difformes prennent d'assaut l'église. Des Indiens qu'on entend au gré des tambours de guerre qui résonnent telle une symphonie de la mort qui transmet un danger permanent annonciateur d'une nouvelle attaque chaque fois que le rythme change, apportant ainsi un sentiment d'insécurité total amplifié par les décors suffocants d'une église abandonnée de Dieu.


Le cinéaste en véritable maître de l'espace investit parfaitement son décor principal. Un terrain de jeux idéals à l'origine d'un climat oppressant symbolisé par des grands murs avec des fenêtres trop hautes pour positionner des tireurs, mais idéales pour l'infiltration des Mescaleros, le tout, superbement modelé par un jeu d'ombres et de lumière percutant. Puisant dans toutes ses ressources techniques, ce western finit par devenir un véritable thriller où la psychologie des personnages est mise à rude épreuve de par les angoisses auxquels ils sont confrontés et qui vont révéler la véritable nature de ceux-ci, que ce soit en mal ou en bien. Une attaque obsessionnelle à l'origine d'un travail en profondeur nuancé dans lequel la forme est tout autant mis en valeur que le fond, et où la place de Dieu est remis en question au détriment de l'homme et des conséquences des propres démons dont ils sont finalement à l'origine. La composition musicale de Hands J. Salter est tout bonnement réjouissante, jouant un rôle important durant les scènes d'expositions qui via des titres écrasants précède habilement le second acte du long métrage. La musique de Salter est formidable, aussi bien dans les moments d'émotion, d'exposition, que d'action.


Les comédiens sont tous convaincants dans leur rôle, faut dire que la direction d'acteurs est exemplaire avec une psychologie autour des personnages assez fouillés qui s'intègrent parfaitement au récit avec des relations évolutives. Stephen McNally sous les traits de Sam Leeds, un joueur solitaire qui n'est plus à son coup d'essai dans le domaine du meurtre est exaltant. Un super comédien que je découvre dans ce rôle. La dualité qui unis Leeds au maire-vétérinaire-forgeron Mayor Joe Maddsen incarné par Willard Parker fonctionne à merveille. Les deux hommes s'intègrent parfaitement dans l'espace en incarnant durant un siège infernal deux hommes à l'opposé l'un de l'autre qui vont mieux se découvrir et se comprendre durant l'assaut. Bien entendu, que serait une querelle d'hommes sans une ravissante femme au milieu de cela, joué par Coleen Gray pour : "Sally". Mention spéciale à Arthur Shields qui en tant que révérant Griffin est formidable. Griffin est un révérant puritain et rigoriste ayant balayé le village de Spanish-Boot de toute impureté entre le saloon, les jeux d'argent, ou encore le bordel. Il est de loin le personnage le plus intéressant, malgré ses préjugés racistes alimentés par une idéologie à l'époque sectaire (le christianisme) il en demeure pas moins un homme courageux qui refuse d'abandonner quiconque même s'il s'agit d'un pêcheur. Les protagonistes secondaires sont tout autant intéressants et nuancés avec James Griffith pour le lieutenant Glidden, ou encore Armando Silvestre pour le soldat Indien Pedro-Peter.


CONCLUSION :


Quand les tambours s'arrêteront d'Hugo Fregonese est un western/thriller étonnamment méconnu possédant plus d'une balle dans son colt entre une direction de comédiens exemplaires, une technicité irréprochable, un récit subtil au propos profond, un suspense haletant, une ambiance oppressante, une composition musicale radicale, ou encore sa violence implacable symbolisée par une menace démoniaque et fantomatique. Une véritable étude d'observation et de quantification des comportements humains dans un milieu accablant, austère et angoissant qui prouve la maîtrise de ce western qui n'a finalement pour seul défaut que de se terminer beaucoup trop vite. Patrick Brion et Bertrand Tavernier considèrent ce western comme un chef d'oeuvre et je ne suis pas loin de penser pareil.


Un grand western à découvrir absolument qui s'articule autour d'un cinéaste véritablement talentueux.




  • Monsieur... Sam! Ils m'ont scalpé. Des Apaches... Mescaleros...

  • Mescaleros ?

  • Ils sont à la frontière. Très nombreux... Cent... peut-être deux cents. Sortis des rochers comme des fantômes. Ils sont cruels. Leur coeur est mauvais. Ils n'ont pas hurlé... ni crié. Vous... avertirez la ville, M. Sam ?

  • Oui.

  • Il faut... y aller!

  • Oui, j'y vais.


B_Jérémy
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste « WESTERN ! » : classement du meilleur au pire des films du genre

Créée

le 26 juin 2021

Critique lue 485 fois

38 j'aime

32 commentaires

Critique lue 485 fois

38
32

D'autres avis sur Quand les tambours s'arrêteront

Quand les tambours s'arrêteront
Theloma
8

Jusqu'au bout de la nuit

Avec la réédition de ce western peu connu du grand public, Sidonis offre l’occasion de découvrir une merveille de série B. Tourné en quelques jours avec un budget dérisoire, Apache Drums (1951) porte...

le 27 juin 2020

21 j'aime

13

Quand les tambours s'arrêteront
SanFelice
7

à découvrir

Il y a plusieurs films dans ce film. Quand les tambours s'arrêteront réunit plusieurs qualités de westerns. L'intrigue d'ensemble ressemble à celle d'un western anti-indien : un village est assiégé...

le 8 août 2014

19 j'aime

4

Quand les tambours s'arrêteront
Boubakar
9

Une magnifique surprise !

Voilà un western peu atypique, car il est adulé par les cinéphiles français, mais est totalement inconnu dans son pays d'origine ! C'est une série B produite par Universal dans les années 50, d'où sa...

le 13 sept. 2011

5 j'aime

1

Du même critique

Joker
B_Jérémy
10

INCROYABLE !!!

La vie est une comédie dont il vaut mieux rire. Sage, le sourire est sensible ; Fou, le rire est insensible, la seule différence entre un fou rire et un rire fou, c’est la camisole ! Avec le Joker...

le 5 oct. 2019

172 j'aime

142