Nouveau western hybride de la part de Hugo Fregonese vu après The Raid (1954), qui sous son déguisement avançait davantage comme un film de fin de guerre civile. Quand les tambours s'arrêteront (Apache Drums) s'inscrit dans la même mouvance en termes de production, série B sans moyens (pas l'ombre d'un Van Heflin ou d'une Anne Bancroft ici) mais pas sans idées, occupé à observer la ville frontalière de Spanish Boot située au sud des États-Unis. Il y a quelque chose qui diffère du tout-venant de ce type de western et sur lequel j'ai encore un peu de mal à mettre des mots, mais c'est en tous cas à chercher dans tout l'environnement contextuel bénéficiant d'une importance qui l'éloigne du registre matriciel.
Chose étonnante, l'introduction commence par une voix off indienne qui pose un cadre très particulier pour l'époque : "The hunger wolf chews on our strengths. Soon the warriors will be too weak to fight. Then the white man will thrust us away from the earth, and only the empty sky will know the voices of the Mescalero". Autrement dit, on accède directement à l'état d'esprit profond de la tribu apache des Mescaleros (petit aparté : le nom d'une des formations tardives de Joe Strummer, auteur du très beau morceau Long Shadow), nous partageant ses inquiétudes vis-à-vis de sa propre survie et de la menace que font peser les colons états-uniens : c'est dans cette ambiance que le récit se déroule, intégralement délivré du point de vue blanc, et dans lequel les attaques indiennes seront marquées par leur caractère furieux et soudain. On sait qu'il s'agit là d'une réaction à une agression préexistante, et tout le film n'aura de cesse de cultiver une figure menaçante presque invisible, à la lisière du fantastique — un sentiment qui se trouvera poussé à son paroxysme lors de la dernière séquence riche en émotions.
Le village est dans un premier temps décrit au travers des agissements de son maire (un solide forgeron que l'on voit régulièrement à l'œuvre autour de ses fourneaux) qui entend bien nettoyer les environs selon ses propres critères, c'est-à-dire faire dégager autant les prostituées que les tireurs un peu trop adroits — même en état de légitime défense, ça commence à faire un peu trop de macchabées à gérer visiblement. Et c'est sur le chemin de cet exil contraint que le personnage de Sam Leeds découvrira que des Indiens sont sur le sentier de la guerre et retournera au village pour prévenir les habitants du danger proche. Apache Drums fait preuve d'une humilité aussi remarquable que son application dans le récit de ces événements, et réussit malgré tout à rendre la menace fantomatique très prégnante au travers d'un faisceau de ravages divers. Un convoi de femmes décimé, un cadavre jeté dans un puits, des cris d'animaux récurrents... et ce jusqu'au final sous la forme d'un huis clos assez incroyable (il y a une ambiance proto-fantastique folle pour un début des années 1950), apogée de la tension martelée par le son infernal des tambours. Les derniers survivants retranchés dans l'église barricadée et assiégée, dans un élan cinématographique qui annonce une tonalité de film d'épouvante presque gothique vraiment dingue, font face à des assaillants qui surgissent comme des spectres par les fenêtres. L'action est capturée dans des teintes rougeoyantes qui créent une ambiance presque surnaturelle, en tous cas très surprenante.
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