Bob est barman taciturne, à la démarche raide, à la virilité abrupte. Bob courbe l’échine, ne se plaint pas, ne pense pas. Bob sert à boire, ferme le bar de son cousin et Bob trouve un chien. Bob ne sait même pas s’occuper d’un chien. Bob a une petite vie de merde dans Brooklyn et il n’existe pas. Mais personne ne prend la peine d’exister autour de lui. Ni le méchant mafieux tchétchène, ni la femme dévastée, ni le cousin déchu, ni le flic minable à l’œil affuté. Alors Bob sauve le chien, emballe un bras comme un jambon, approche maladroitement la belle, joue l’intermédiaire pour la mafia locale, répond au flic avec candeur et obéit aux autres. Et Bob, à force, émerge et sort de cette toile immobile où tous les poncifs du genre sont emprisonnés.
L’action n’aura pas lieu, reste l’intimité. La mafia n’a qu’à bien se tenir. Tom Hardy est là pour insuffler la vie à son personnage. Le gentil pris dans l’engrenage du monde des méchants. Sans volonté pour en sortir, sans volonté pour y faire ses preuves. Bob subit, sans coup férir, et délimite les contours du bien et du mal à sa façon. Bob n’a pas de maître, et on ne saura pas vraiment s’il a un Dieu. Bob fait comme il peut, Hardy fait dans la dentelle et les nuances pour l’animer. Pendant ce temps Gandolfini, cousin Marv’perdu, trône dans cette toile en énorme faire-valoir. Et nous revoilà avec Bob, encore, caressant son pittbull, lui piquant son regard pour séduire la douce, sa fidélité pour suivre son cousin, son impulsivité pour exploser un crâne et son flair pour déjouer toutes les manigances de ceux qui veulent le duper. Et ce cœur simple, malin comme un singe, n’a plus peur de rien. Il est un savoureux mélange et ce film ne tient que par lui et ne vaut que pour lui.