Dans Quatre Mouches de velours gris, troisième film de la trilogie des animaux, se mettent en place plus franchement les forces et les faiblesses de la filmographie d’Argento. La structure narrative commence à se déliter en une intrigue erratique traversée d’audaces formelles qui, en contaminant le film, le transcendent en même temps qu’elles le fragilisent. Ce n’est sans doute pas un hasard si, cette fois, le personnage principal (Michael Brandon) est mis au coeur de la machination, empêtré dans l’image comme une mouche dans une toile. Dans une répétition de la séquence matrice de son premier film, Argento pousse son personnage au milieu d’une scène de théâtre sous les yeux menteurs du comploteur masqué. Le mensonge n’est plus dans l’image mais dans le regard et contamine le film de visions mensongères et de prémonitions incertaines. Le héros est hanté par le cauchemar d’un autre, exécution publique éthérée qui étire le spectacle de la vie qui se détache. La victime perd la mesure de son regard et en un jump cut voit le parc où elle attend son assassin se dépeupler brusquement.
La persistance rétinienne et la rémanence de l’image sont le mensonge ultime: quatre mouches imprimées dans la rétine d’une morte, énième fausse piste. Argento confirme l’incapacité de l’oeil à saisir la vérité du mouvement mais tente le tout pour le tout dans une dernière séquence prodigieuse: ralenti en éclats sublimes, exultation cristallisée d’un dernier fracas finalement immortalisée en un arrêt sur image, immobilité crainte et désirée d’une vérité inatteignable.
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