Depuis "Seven", peu de thrillers policier ne m'avaient fait cet effet là, hors mis les très réussis "Prisoners", "Memories of Murder" et les quelques perles coréennes du même acabit.
Tous les ingrédients sont réunis dans "Que Dios nos perdone" pour lorgner du côté des chefs d'oeuvre du genre : noirceur qui va crescendo, protagonistes complexes et attachants, antagoniste monstrueux mais humain, suspense ultra efficace, mise en scène maitrisée, approche du récit atypique.
Pour un spectateur qui aime les thrillers policier et n'a pas de problème particulier avec la noirceur au cinéma (elle est ici parfois extrême), ce film est vraiment jouissif de par sa réussite à tous les niveaux. Les acteurs principaux sont d'ailleurs excellents, avec une mention spéciale pour Antonio de la Torre en enquêteur bègue aussi génial que perturbé.
Et si le film est autant une réussite, c'est que ce qui fait souvent défaut dans les films policiers marche ici à la perfection. En effet, l'équilibre entre l'intimité des personnages et l'enquête est parfaitement dosé, provoquant une empathie progressive pour nos deux héros, qu'on aime autant suivre à leur domicile que sur le lieu du crime, sans longueurs aucunes.
En terme de scénario d'ailleurs, le récit est d'une efficacité redoutable, à l'image (ATTENTION SPOILER :) de la révélation de l'identité du tueur/violeur à 30 minutes de la fin, évitant ainsi habilement le problème récurrent du genre : la révélation de cette identité à la toute fin, qui met (trop) brutalement fin à un long suspense, et donnant souvent dans la foulée et de manière expéditive les motivations (souvent clichées) du méchant. Ici, on a à faire à un dernier acte "à la Colombo", où l'on abandonne nos deux flics pour suivre le tueur dans son intimité (et ce alors que ces derniers ne connaissent donc pas encore son identité). Un choix audacieux, par ailleurs judicieusement justifié par le réalisateur qui souhaitait, au delà de raconter la "simple" traque d'un serial killer, représenter une certaine violence, à savoir celle des trois protagonistes, le tueur et les deux policiers. Des intentions qui expliquent l'approche atypique du récit et sa singularité.
Le cinéma espagnol se porte donc définitivement bien et après de nombreuses années à survoler le cinéma d'horreur (rendant hollywood bien ringard) il se tourne depuis quelque temps du coté du policier et force est de constater qu'il le fait très bien... Le cinéma français devrait davantage admirer ce voisin bien talentueux !