Le film le plus jubilatoire sans doute d'un Peter Greenaway qui n'a renoncé à aucun des marqueurs de son cinéma. Brisant tous les tabous, il présente Eisenstein sous un jour terriblement humain, "vulnérable" comme il le lui fait dire dans son film. Et le sourire ne quitte pas les lèvres du spectateur, presque incrédule devant une tel spectacle iconoclaste qui, bien que présentant des images de ses films d'anthologie, se concentre non pas sur le cinéaste de génie, mais sur l'homme, sur sa sexualité en particulier.
Les 10 jours qui ébranlèrent Eisenstein (en référence à ce qui est rappelé par le personnage dans le film, le "vrai titre" d'Octobre, son titre soviétique, qui était "Les 10 jours qui ébranlèrent le monde), sont ceux qu'il a passés à Guanajuato, au Mexique lors de la fête des morts. Eisenstein y découvre les joies de la mort mexicaine, et celles de l'amour, Eros et Thanatos, non pas pour les Nuls, mais pour les esthètes. Le film est mis en image de manière magistrale par le gallois, à coups de split-screens mélangeant fiction et images d'archives, à coups de travellings circulaires étourdissants, à coups de plans larges à tomber par terre, des tableaux vivants splendides sortis de sa nature de peintre, et des décors toujours aussi flaggerbasting : un haut de pyjama en soie jaune pour "Sergueï" , le sol translucide d'une chambre hyper luxueuse sous lequel il pose la caméra pour filmer les débats d'icelui avec son guide mexicain.
Les puristes poussent des cris d'orfraie, pourtant Greenaway ne pouvait sans doute pas rendre un meilleur hommage à ce maître, à son maître. Faisant partie d'un vaste projet sur le cinéaste russe, soviétique devrait-on dire, Que viva Eisenstein est une oeuvre d'art très réussie qui redore le blason de Peter Greenaway, un cinéaste génial, mais qui souvent oublie de se connecter à son auditoire potentiel.
Une très belle surprise par ces jours d'été assez pauvres en sensation cinématographique.