Je devais être enfant la première fois qu'on m'a posé devant "Somewhere in Time" et, bien que déjà impressionné par l'aura mystique et miraculeuse de ce coquillage à perle de sens, je me désintéressais systématiquement des films romantiques et/ou dramatiques au profit des comédies et des aventures épiques, sans doute par peur inconsciente de me retrouver blessé et mélancolique, sentiments qui n'étaient, je crois, pas trop difficiles à atteindre à l'époque ; je vivais les choses intensément, comme beaucoup d'enfants. J'avais donc très certainement regardé ce film sans le regarder, conservant juste en mémoire une sorte de halo incompréhensible, un thème musical qu'adoraient mes frères et ma mère, quelques jolies images et une sensation de danger à l'approche de sa fin. Ainsi, quelque part au cours de mon adolescence, quelque part en le temps houleux d'une adolescence aux idéaux obstinément niés, je me suis laissé aller à réassister au rêve ténu, improbable et dommageable que me proposaient Jeannot Szwarc, Christopher Reeve, Jane Seymour, John Barry et Rachmaninov. Et, sans m'effondrer en larmes - c'était inenvisageable et ça l'est toujours un peu -, je n'ai rien regretté et j'ai remercié le ciel d'avoir fait tomber l'une de ses bibles sous les yeux de ma mère quelques 40 ans plus tôt. "Somewhere in Time" est une foire aux maladresses et aux clichés mais peut-être la foire la plus juste, essentielle et douce du cinéma des années 80, sans prétendre y connaître grand-chose. Le théâtre, la musique, le temps, la vie après la mort, l'amour, la beauté ; tout y est. À ce jour, j'ai assisté, un certain nombre de fois, aux baisers malhabiles de Richard et Elise, à la "mesure dans l'excès" de William Fawcett Robinson, à la découverte culte et réelle d'une photo hors-le-réel, aux gros chagrins du petit Arthur sans son ballon, au corps froid, bleu, détruit d'un ancien Superman et il me semble désormais faire un peu partie du spectacle. Ce film est mon référent d'amour, mon référent de sens, il le restera.
Maintenant, les remerciements d'un éternel passionné de doublage français : Merci à Pierre Arditi d'être inexplicablement léger et grave à la fois, à Monique Morisi pour la noblesse, la délicatesse et l'inquiétude dans sa voix de femme personnifiée, à Jacques Thébault pour son agressivité délicieusement pompeuse et à Henri Labussière pour le réconfort que c'est toujours de l'entendre quelque part. Merci aussi à toutes les autres voix et merci enfin à celui ou celle qui les a dirigées - on est souvent bon comédien que sous de bonnes directives.