Après l'annonce du décès de Kirk Douglas, j'ai regardé mon top consacré à l'acteur pour voir quelle critique je pourrais faire d'un de ses films afin de marquer un petit hommage à l'un des géants du vieil Hollywood que j'ai toujours admiré pour son énergie rageuse et ses rôles charismatiques. Je m'aperçus que j'avais chroniqué pratiquement tous ses grands classiques, de Seuls sont les indomptés au Gouffre aux chimères, des Vikings aux Encorcelés, en passant par le Dernier train de Gun Hill, El Perdido, les méconnus le Dernier de la liste et l'Ombre d'un géant, et les inévitables Spartacus et les Sentiers de la gloire... quels films ! quelle carrière !
J'optais finalement pour Quinze jours ailleurs dispo en replay sur TCM, film que je n'avais pas revu depuis très longtemps. Je n'en gardais pas un souvenir extraordinaire, et puis au final, j'ai été très satisfait de le revoir.
Dix ans après les Ensorcelés, Kirk retrouvait Minnelli pour la troisième fois, la même équipe se reformant (même producteur, même scénariste, même musicien), on voit aussi pour les besoins d'une scène, un extrait des Ensorcelés qui est montré comme une oeuvre antérieure et prestigieuse du réalisateur incarné par Edward G. Robinson. Le titre original Two weeks in another town suggère une ville autre que celle de la jungle d'Hollywood, il s'agit de Rome où l'acteur incarné par Kirk, Jack Andrus, y apparait comme un fauve brisé par les épreuves en tentant de renouer avec le monde du cinéma, à l'invitation de Kruger (Robinson) avec qui il a tourné de grands succès.
Dix ans après donc, Minnelli parle à nouveau du cinéma, l'intrigue proposant une nouvelle description de ce milieu, avec le même acteur, et réussit une brillante mise en abyme, un chaotique jeu de miroirs sur cet univers de faux semblants où sont traités des thèmes comme le questionnement de l'artiste, les relations amoureuses, l'alcoolisme et la folie. Les Ensorcelés traitait de la faune hollywoodienne gravitant autour d'un producteur implacable, Quinze jours ailleurs analyse le comportement des équipes de tournage en extérieurs, mais le ton a beaucoup changé, c'est une vision plus sombre sur un monde finissant, c'est l'époque où Hollywood doit se remettre en question, où une nouvelle génération arrive et remplace l'ancienne, et où des techniques différentes sont employées ; économiquement, l'industrie du cinéma change aussi.
Malgré la Minnelli's touch, on sent que sa vision est moins sensible, l'évolution du cinéma hollywoodien est transplantée à Rome, et Minnelli s'inspire de Fellini par sa tonalité très italienne donnée à certaines séquences un peu trop tapageuses. Par ces excès, le film frôle parfois la caricature, l'intrigue semble trop complaisante et la description du monde du cinéma est trop artificielle. Kirk Douglas disait dans une interview que le film avait été charcuté par le studio MGM et que ce qui a été coupé aurait ressemblé à une seconde Dolce Vita, on sent en effet cette influence par endroits.
Alors que Minnelli et son producteur John Houseman étaient encore en Italie, le montage a été un véritable massacre, la MGM a coupé des scènes essentielles, notamment une vingtaine de minutes concernant le personnage de Cyd Charisse qui fut jugé trop immoral, d'où le fait qu'on la voit peu alors qu'elle apparait au générique comme une des co-vedettes de Kirk et Robinson. C'est dommage car elle y tient un rôle entièrement dramatique qui prouvait qu'elle sait aussi bien jouer la comédie que danser. Une séquence d'orgie suggérée qui fit sans doute peur au studio, fut également coupée. Après ce forfait artistique, le négatif était irrécupérable, il n'y avait plus rien à sauver.
Malgré ça, Quinze jours ailleurs reste un de ces grands mélos minnelliens, moins vibrant que Celui par qui le scandale arrive ou les Quatre cavaliers de l'apocalypse, mais très intéressant par ses descriptions reflétant cette évolution du cinéma américain et les pathologies que peuvent provoquer sur les artistes, les affres de la production. Kirk livre une interprétation presque à fleur de peau, toute de rage contenue, bien secondé par un joli casting, notamment Claire Trevor en épouse aigrie et rugissante d'Edward G. Robinson, alors que le rôle de George Hamilton est ici plus ingrat et moins intéressant que son personnage de Celui par qui le scandale arrive, mais qu'il joue sobrement.

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le 9 févr. 2020

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