Babel without a cause
Le cinéma de Cristian Mungiu appartient à cette catégorie si facilement caricaturable, cochant à peu près toutes les cases du film d’auteur à festival : roumain, social, long, d’un pessimisme...
le 21 oct. 2022
30 j'aime
Le cadre : un village de Transylvanie. Sa faune : un mélange de Roumains de diverses communautés multilingues, s'entendant plus ou moins bien (plutôt moins que plus !). Son environnement : un milieu déchiré entre une vision traditionaliste et un mondialisme à base de nouvelles technologiques ainsi que d'Union Européenne. Ce qui va mettre le feu aux poudres de cette poudrière qui ne demande qu’à exploser : l'arrivée de trois Sri-Lankais, les seuls à accepter des emplois dans la boulangerie industrielle du coin (survivant grâce à des fonds européens !) avec un salaire minimum bien minimal (une partie non négligeable des Roumains préférant se faire exploiter dans d'autres pays de l'UE, avec une fiche de paye un peu plus garnie !).
Voilà, c'est encore l'occasion pour Cristian Mungiu de faire une autopsie de son pays, cette fois par le biais des thématiques du racisme, de la xénophobie, du machisme (avec des femmes qui font de plus en plus comprendre qu'elles commencent sérieusement à en avoir marre de cette vision inégalitaire des genres !). Le point d'orgue est un plan-séquence de dix-sept minutes, à travers une caméra ne bougeant pas d'un millimètre, avec l'intervention de pas moins de vingt-six personnages (selon les propos du réalisateur, car je n'ai évidemment pas chronométré, ni compté !), dans un débat qui permet à chacun d'exposer et de défendre son opinion dans une cacophonie lors de laquelle, inévitablement, personne n'arrive à convaincre personne. Les oppositions restent toujours les mêmes. Tout le monde s'en prend plein la gueule. Et pour la mise en scène, je tiens à féliciter l'équipe pour ce véritable tour de force. Cela ne doit pas être évident de diriger et de jouer une telle séquence.
Bref, quand le film attaque son sujet à travers l'angle de la communauté, sans oublier de s'appesantir sur quelques-uns de ses membres, c'est assez réussi. Ce n'est pas stupidement manichéen. On saisit les raisons de chacun, bonnes ou mauvaises. Si le tout ne s'était focalisé que sur cet aspect scénaristique, R.M.N. aurait été très bon.
Mais ça a le tort de s'encombrer d'un protagoniste.
La première heure esquisse une potentielle utilité pas inintéressante à celui-ci, à savoir dénoncer la masculinité toxique, à faire le portrait d'êtres pour qui être un "homme" se manifeste par des comportements confondant ce qu'ils pensent être de la virilité alors que ce n'est que de la violence bête et méchante (genre tuer des animaux, menacer, voire s'en prendre physiquement, à des femmes ne se pliant pas à leurs quatre volontés, considérer que sa progéniture est une "tapette" s'il n'a pas un comportement considéré comme "masculin" !).
Après, malheureusement, le cinéaste n'a plus l'air de savoir quoi en faire. Cela se traduit par le fait qu'il le mette au second plan, se sentant obligé de le faire apparaître de temps en temps inutilement, lance des intrigues le concernant (son père malade, sa jalousie maladive pouvant le pousser à certaines extrémités, son interrogatoire avec la police !) jusqu'aux dernières secondes même sans jamais les mener à un quelconque aboutissement, sans qu'elles apportent quoi que ce soit de consistant. Ceci n'est en rien arrangé par une fin volontairement absconse, plus proche du ridicule d'un mauvais pastiche de Bonne nuit les petits que d'un uppercut puissant et profond cérébral pour bien assommer le spectateur juste avant le générique.
Ouais, franchement, ça aurait été bien meilleur sans ce personnage, si le film avait été fait sans lui, en nous introduisant directement et uniquement par l'angle de la communauté s'apprêtant à connaître un bouleversement, en ne se concentrant que sur elle. Une semi-déception, car il y avait largement de quoi donner un résultat à la hauteur.
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Créée
le 20 oct. 2022
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