« Ce film s’inspire de faits réels. Cependant les événements et les personnages ont été modifiés, parfois même inventés, à des fins cinématographiques. Ce film ne doit donc pas être considéré comme une retranscription exacte de ce qui est réellement advenu. »
Ce message, c’est grosso modo celui qui apparait à la toute fin du film, juste avant que le générique se lance. Et franchement, ça m’a fait soupirer d’exaspération.
Rassurez-vous, je n’ai aucun problème avec le fait qu’un biopic ou un film historique s’autorise quelques réagencements pour que cela serve sa dramaturgie. C’est même tout ce qu’on attend d’une œuvre de cinéma. Mais lire ça juste après s’être enquillé les 1h49 de ce Race for Glory, ça donne juste envie de gueuler un violent et aigri « Sans déconner ! »
Genre, il était inconcevable qu’on puisse s’imaginer un seul instant que cette histoire absolument copiée-collée sur le modèle de Rush et de Ford vs Ferrari ait pu être juste un tantinet réarrangée ? …Oh bah ça alors, dites donc ! Quelle surprise…
D’ailleurs c’était quoi le titre complet de ce film, au fait ? Race for Glory : Audi vs. Lancia ?
Non mais « Audi vs. Lancia » quoi… Comme quoi, on pouvait au moins compter sur les distributeurs français de ce film pour ne pas trop nous prendre pour des cons.
Alors après qu’on s’entende bien : moi ça ne me dérange pas plus que ça que certains films cherchent à s’engager dans le sillage tracé par quelque précurseur, quitte à participer à l’installation d’une mode.
Par exemple, il m’apparait assez évident qu’il n’y aurait pas eu de Rush ni de McLaren sans le Senna d’Asif Kapadia. De même qu’il n’y aurait sûrement pas eu de Ford vs. Ferrari sans le succès de Rush. Entre ces quatre films, les liens de filiation ne sont pas difficiles à trouver tant des motifs narratifs et visuels sont parfois repris à la lettre. Seulement voilà, ça n’a pas empêché à chacun de ces films de faire émerger un pan nouveau de l’histoire du sport mécanique tout en sachant entretenir un caractère et une personnalité qui leur ont été propres…
Mais sauf que là, avec ce Race for Glory… Roaïeaïe…
C’est terrible mais ça pue le toner à tous étages tant le film tout entier ressemble à une vaste photocopie de ses prédécesseurs en la matière, sans rajout aucun.
On oppose deux écuries rivales, deux grandes figures du sport automobiles aux profils antagonistes. Ils se respectent mais se détestent en même temps. L’un d’eux par avec un avantage incontestable mais l’autre entend bien tenter un coup d’audace pour espérer lui ravir le titre des constructeurs. Tous les coups seront permis, surtout les coups de malice…
C’est vraiment du triste copier-coller. Sans honte. Ça va même jusqu’à dépêcher Daniel Brühl – le Nikki Lauda de Rush – pour coller au plus près du modèle visé.
Plus marketing impersonnel que ça, tu meurs…
De la première à la dernière minute, il m’a été impossible de m’investir un seul instant dans ce film. Tout est formaté, attendu et surtout artificiel.
Alors certes, ce n’est pas mal conduit, mal filmé, mal joué. Les reconstitutions font le taf et, dans l’ensemble, on serait presque tenté de dire que c’est honnête. Seulement voilà, sitôt un événement caricatural ou attendu survient-il dans ce film qu’on se dit que ça pue le fake… Et généralement c’est le cas.
Le coup du salage des routes de Monte Carlo : fake.
Walter Röhrl et sa passion pour l’apiculture : fake.
Le personnage de la jolie minette qui déboule comme ça pour faire office de love interest : fake.
Et le terrible accident qui va faire office de grande tragédie de troisième acte : fake (bien évidemment).
…Tellement fake d’ailleurs qu’il n’y a absolument rien de vrai dans cet événement, jusqu’au personnage de Kurt qui a été inventé de toute pièce pour cela.
Oui, ils sont allés jusqu’à ce niveau de cynisme-là : ils sont allés jusqu’à reproduire leur moment « Nikki Lauda » pour coller au plus près de leur modèle : Rush.
C’est consternant…
C’est d'autant plus consternant que, parfois, au détour d’un virage, il y a quelques détails en arrière-plan qui peuvent attirer l’attention. On évoque par exemple une certaine Michèle Mouton... Une femme dans le monde du rallye avant même Jutta Kleinschmidt ? Perso, ça ne me dit rien. Est-ce là encore une invention juste pour féminiser artificiellement la casting ?
Je me rancarde cinq minutes en rentrant de la séance, et qu'est-ce que je découvre ? Ah bah non ! Sans être la première femme du sport automobile, Michèle Mouton incarnait effectivement à son époque une véritable anomalie. Manifestement c’était un personnage bien trempé qui a marqué sa discipline de son emprunte.
Putain, mais ça m’aurait intéressé ça ! Pourquoi le film zappe ?
Idem, j’apprends en me rancardant sur le championnat de 1983 que c’est lors de cette édition-là que l’épreuve se permet un saut au Kenya… Alors qu’un pilote kényan roule alors chez Nissan ! Pour ce type-là, gagner chez lui, ce n’est pas quelque chose d’anodin, et au regard des spécificités de la piste kényane, c’était donc un enjeu supplémentaire qui venait interférer avec la grande course à la victoire entre Lancia et Audi !
Mais – encore une fois – pourquoi le film se prive de ça ?!
Il y a plein de choses à raconter à travers ces éléments là ! Seulement voilà, manifestement il y avait un double-modèle à suivre – celui de Rush / Ford vs. Ferrari – et on n’a pas voulu s’en éloigner ne serait-ce que d’un iota.
Ah ça ! Esprit de la photocopie, quand tu nous tiens…
C’est terrible…
Alors après, oui – encore une fois – moi je veux bien reconnaitre la globale maitrise de l’ouvrage, mais comment se laisser prendre quand tout sent à ce point le formatage d’usine ; le pur produit marketing ?
Que pèse les quelques beaux plans de phares nocturnes sur les pistes d’essai de la marque franconienne à côté de tous ces scènes agencées sans passion ni esprit de créativité, simplement pour faire le job ?
Une seule scène suffit à elle seule pour me rappeler à quel point l’esprit qui a animé ce film me désespère profondément. Cette scène, c’est celle de l’interview. C’est la scène paresseuse par essence. Elle intervient à espace régulier pour faire de l’exposition de bas étage ou pour caser toutes ces petites phrases clichés qui faisaient partie du cahier des charges : « vous ne comprenez pas ce qu’est le rallye. On ne se bat pas contre l’autre, mais contre la montre. Foncez vers la mort, c’est le plus sûr moyen de la faire fuir. Seuls les perdants courent toujours après la victoire… » Etc. etc.
« Ce film s’inspire de faits réels. Cependant les événements et les personnages ont été modifiés, parfois même inventés, à des fins cinématographiques, » osent-ils donc rappeler à la toute fin. Mais c’était quoi, les ambitions cinématographiques de ce film ?
Reproduire une formule à grands jets de toner ? Eh bah super…
Voilà qui valait bien la peine qu’on délaisse le réel pour cette triste affaire.