J'aime bien cette ambiance de whodunit au cœur d'une petite bourgade provinciale, subitement mise à feu et à sang par les révélations d'un mystérieux délateur, mais Yves Boisset ne joue clairement pas dans la même cour qu'un certain Henri-Georges Clouzot, et son film manque cruellement d'ampleur et de subtilité.
On sent bien que le réalisateur français a consciemment forcé le trait, et que les réactions primaires et hystériques de ces villageois caricaturaux participent d'une tonalité volontairement excessive ; dans un autre registre, cette démarche m'a évoqué celle de Tavernier dans "Coup de torchon".
Il n'empêche que ça devient vite pénible et contre-productif de voir cette petite troupe en colère vociférer à qui mieux-mieux. Les notables corrompus apparaissent stéréotypés eux aussi, même si les comédiens s'en sortent mieux, à l'image du maire campé par Roger Planchon.
"Radio Corbeau" repose beaucoup sur le face à face Pierre Arditi - Claude Brasseur : si le premier porte le film sur ses épaules, malgré un rôle bancal, avec sa bonhommie naturelle, le second finit par couler complètement, après une première moitié de film tout en sobriété. A mesure qu'apparaît le passé de son personnage, on constate à quel point celui-ci ne tient pas la route, notamment lors de la séquence tournée en Afrique ou celle des récompenses dans une salle parisienne...
Quant à la scène finale surréaliste dans l'église, qui survient après une collection d'invraisemblances, les différents protagonistes y rivalisent de ridicule devant la caméra complice de Boisset.
Reste qu'en dépit de tous ces défauts, je n'ai pas passé un mauvais moment devant ce film mordant et ludique, cherchant à deviner l'identité du coupable parmi les nombreux seconds rôles présents dans "Radio Corbeau", emblématiques du cinéma français des années 80, à l'image de Christine Boisson, Evelyne Bouix, Jean-Pierre Bisson, Edith Scob, Jean-Claude Dreyfus, Bernard Bloch et j'en passe...