A travers un groupe de personnages hétéroclites, Milos Forman réalise une minutieuse et luxueuse peinture des Etats-Unis du début du siècle. Le destin de ces personnages (un pianiste noir, une demi-mondaine, un couple bourgeois...), inégalement traités, est directement lié au caractère de la démocratie américaine.
Le cinéaste rend hommage à cette terre d'accueil et de liberté prometteuse qu'est l'Amérique, fondée sur le droit et la réussite pour tous mais balbutiant encore, pour le moment, ses droits de l'Homme. Ce dernier aspect est de loin le plus explicite, le plus développé et consiste dans le combat orgueilleux, nécessaire et criminel s'il le faut d'un noir pour faire valoir ses droits dans un pays encore largement raciste. Forman saisit l'ambivalence de la démocratie made in US qui outrage sa minorité noire et qui, parallèlement, permet l'émancipation des citoyens les plus humbles, où l'on voit l'émigré juif et la cocotte promis au vedettariat du nouvel art qu'est le cinéma.
A travers cette "naissance d'une nation", on retrouve l'obsession démocratique et de liberté de Forman -cet artiste tchèque qui ne méconnait pas la réalité du totalitarisme- et l'espérance qu'il nourrit à l'égard des Etats-Unis. Pour ce qui est de la mise en scène, il m'a semblé que le récit de Forman souffre d'un léger déséquilibre, la seconde partie réservant une place trop prépondérante à la lutte anti-raciste, déjà évidente, du dénommé Coalhouse. J'aurais aimé que le cinéaste poursuive ou explore d'autres pistes. Ce qui n'enlève rien à sa réalisation somptueuse.