Rambo III (Peter McDonald, U.S.A, 1988)

Commençons par là où ça fait mal. Pour un budget estimé exactement à peu près à environs 63 million de $, cette seconde suite de ‘’First Blood’’, sobrement intitulée ‘’Rambo III’’, rapporte à la fin de son exploitation aux États-Unis, qu’un peu moins de 54 million de $. Heureusement à l’international le film gagne 189 million de $, mais son échec sur les terres de l’Oncle Sam enterre la saga pour 20 ans. Et ce fail est compréhensible, parce que ‘’Rambo III’’ c’est quand même un peu nul.


Ce n’est plus son pays, ni lui, que Rambo doit sauver, mais son colonel qui a repris du service pour aller aider les Afghans face à ces ignobles Russes, en guerre depuis 1979. Ces fiers combattants de la liberté que sont les Moudjahidin, incapable de s’en sortir sans l’intervention des Américains. Mais qui livre tout de même une belle apparition d’un général Massoud, qui a l’image de l’ensemble est un pur fantasme.


‘’Rambo II’’ se branlait allègrement avec la réalité historique, mais alors ce troisième volet c’est avec la réalité tout court qu’il se branle. Avec son histoire totalement à la gloire de son personnage principal, accompagné de tous les clichés possibles, des plus grotesques aux plus farfelus. ‘’Rambo III’’ résonne un peu comme une vaste blague. N’offrant aucune ligne de lecture annexe. Tout ce qui est raconté est est montré à l’écran. Laissant peu de place à interprétation dans cette œuvre de pure propagande made in Hollywood,


Le film à même du mal à se prendre lui-même au sérieux, enchainant des punchline comiques alimentant un scénario qui se résume à : Bagarre, leçon de vie des autochtones, bagarre, leçon de vie des rebelles, bagarre, leçons de vie des sages afghans, bagarre, bagarre, et bagarre, contre un méchant unique : le Russe. Pour le reste c’est un film qui n’a pas grand-chose à raconter. Par contre c’est terriblement fun.


Scénarisé par Stallone et Sheldon Lettich, scénariste de cinq, et réalisateur de quatre Van Damme. Ce n’est donc plus la folie créatrice d’un James Cameron qui est à l’œuvre ici, et ça se ressent. ‘’Rambo III’’ ressemble à une série B d’exploitation un peu miteuse, qui même si elle reste au-dessus des trois ‘’Missing in Action’’ avec Chuck Norris, demeure un bien triste Rambo.


Reprenant le personnage là où il a été laissé à la fin du deux, en pleine quête identitaire, l’audience retrouve Rambo en train de se battre pour se faire de la thune, qu’il donne aux moines bouddhistes qui l’hébergent, et pour lesquels il travail. Rambo cherche à se retrouver dans la spiritualité. BEUAP. La guerre tout ça, c’est fini pour lui.


Jusqu’à ce que le scénario fasse que les Russes font prisonnier le colonel Trautman, et BAM Rambo reprend du service. BEUAP. Fuck la retraite spirituelle, Fuck le ‘’C’est pas ma Guerre’’, Fuck la tentative de rendre le personnage plus profond. Ce qui prime c’est la baston et l’action. Des éléments qui ne servent plus le scénario et le développement du personnage, au contraire, c’est le personnage qui est mis au service de ces éléments. Vous la sentez la perte de tout enjeux dramatiques là ?


À partir du moment où Rambo arrive en Afghanistan, le film devient un monument à la gloire des Moudajïdins qui se battent contre l’oppresseur Russe. Le film est même dédié à leur mémoire et à leur lutte, à la toute fin. L’ironie veut que la guerre en Afghanistan prit fin juste avant la diffusion du film, le faisant sortir de l’actualité. La double ironie veut que 13 ans plus tard ce sont les Américains qui s’embourbent en Afghanistan. Après un épisode 2 qui se torchait avec la réalité géopolitique, c’est un juste retour de bâton. Ce qui fait de ‘’Rambo III’’ une œuvre drôle, car elle est tout le temps à côté de la plaque.


Prenons juste l’exemple de Massoud. En 1988 Massoud est un jeune général afghan de 35 ans. Mais dans ‘’Rambo III’’ il apparaît sous les traits âgés d’un comédien de 51 ans. Comme une tentative de le rendre plus sage grâce au poids de l’âge. Pétri de bienveillance envers Rambo, c’est lui qui fait le lien entre le militaire américain et les rebelles Afghans.


Même cet élément d’union entre Ricain et Moudjahidin est un fantasme complet, qui vient réduire leur lutte uniquement à celle contre les russes. En réalité vraie véritable, ils luttaient surtout contre les Talibans, qui étaient eux armés et formés en secret par la CIA. C’est eux qui prennent le pouvoir au départ des Russes, et c’est eux que la même CIA vient combattre après le 11 septembre 2001.


En lisant le film à l’ombre de l’Histoire du XXIème siècle, une tout autre dimension apparaît. Comme une œuvre désuète dont le propos venteux donne une vaine sympathie. Sans doute le fait que ce volet soit le plus drôle, passant son temps à vider Rambo de toute substance dramatique. Ce qui en faisait un personnage fort dans ‘’First Blood’’, et un être torturé entre sa mission et ses états d’âmes envers son pays dans ‘’Rambo II’’, est juste balayé. Reste l’idée d’un super soldat, qui va sauver son colonel, faisant au passage copain copain avec les Afghans, tout en décimant un régiment Russe, en charge du maintien de l’ordre dans la province.


Dispensable au cœur de la saga, ce troisième volet illustre tout de même la fin de la fantasque période reaganienne, qui misait tout sur le paraître, et une candeur hypocrite consentie faisant de l’Amérique le pays détenteur de la liberté ultime. Avec le temps, les eighties sont perçus comme une période faite de fastes et d’illusions, aboutissant à la crise des années 1990. Lorsqu’il a fallu revoir tous les excès de papy Reagan. ‘’Rambo III’’ est un témoin de ces excès.


Le type est clairement dans l’interventionnisme basique, sans lui il est mis dans la tête des spectateurs que les Afghans seraient incapables de s’en sortir. Un message dangereux qui conforte le fait que c’est grâce à Rambo qu’ils parviendront à repousser l’envahisseur. Une expression de l’Amérique dans ce qu’elle peut avoir de plus dégueulasse. Mais putain c’est fun…


Mousa Ghanin : ‘’Et ça, qu’est-ce c’est que ça ?’’
John Rambo : ‘’Une lumière bleue.’’
Mousa Ghanin : ‘’Et ça fait quoi ?’’
Scratch illumine la pièce.
John Rambo : ‘’Du bleu.’’


Et le film est remplit comme ça de dialogues improbables, de punchline à côté de leurs pompes, faisant du spectacle guerrier un truc cool à regarder. Alors que ‘’First Blood’’ était une œuvre réflexive abordant l’antimilitarisme avec finesse, que ‘’Rambo II’’ continuait sur cette vague, en radicalisant le propos au principe du ‘‘pour avoir la paix, faut tuer les méchants’’. Dans ‘’Rambo III’’ la guerre c’est juste cool. On fait des blagues, on butte des êtres humains, et on se marre !


En fait ce troisième épisode perd de vue absolument tout ce que les années 1980 représentent dans la Guerre Froide. Stallone et Lettich sont clairement aveuglés par un personnage devenu iconique, et par une situation international changeante. Il y a une volonté de montrer un petit peuple fier, affronter un géant inhumain. Rebelles Afghans vs. Spetsnaz. Sauf qu’au milieu, c’est un militaire américain surentrainé qui fait tout le boulot. Ça ne fait plus sens.


‘’Rambo III’’ percute de plein fouet les limites du cinéma reaganien, à un moment où Hollywood entame un virage, et où les films d’action prennent une nouvelle ampleur. Notamment avec ‘’Lethal Weapon’’ en 1987 et ‘’Die Hard’’ en 1988, qui proposent des personnages principaux plus humains, auquel il est plus facile de s’identifier.


Le culte du corps bodybuildé s’amenuise, tout comme les réflexions sur l’antifédéralisme, car souvent les personnages principaux sont membre de la police. Soit un rouage de l’institution, bien qu’un peu edgy, répondant à ses propres règles, parfois violent, mais qu’une moral finale place dans le droit chemin. Il est possible également de citer ‘’Predator’’ en 1987, qui pousse l’épuration du héros américain dans ce qu’il a de plus primaire. Surpassant même la réflexion amorcée par le personnage de Rambo en 1982.


Aujourd’hui ‘’Rambo III’’ tient plus la distance pour son absurdité et son comique involontaire, jonchant le récit de répliques à la con et de punchline hallucinantes. Cela vient ronger un personnage censé être froid et bien marteau dans sa tête, qui n’est plus représenté que comme le héros bodybuildé invincible. Porté par les valeurs qui le pétrissent, devnant un véhicule insubmersible d’une Amérique toute puissante, dont le déclin (relatif) s’annonce pourtant.


Comme objet de curiosité le film de Peter McDonald remplit toutes les attentes, car c’est une œuvre anachronique, sorti dans un monde différent de celui dans lequel il a été écrit et réalisé. Créant ainsi un décalage sur toute la ligne directive du récit, en ne lui donnant absolument aucune dimension. Sorte de suite bisseuse du précédent volet, quelque peu dérisoire, le public comme les critiques ne s’y sont pas trompée.


Il faudra à Sylvester Stallone cinq ans avant de connaître à nouveau le succès mondial. Avec ‘’Cliffhanger’’ en 1993, dont il est scénariste. ‘’Rambo III’’ annonce ainsi le déclin d’une carrière façonnée par l’ère Reagan. Même si les deux premiers ‘’Rocky’’ sortent sous l’administration Carter, ils annoncent déjà la radicalisation de la société telle que conçue par Reagan, qui couvre toutes les années 1980. Il est nécessaire d’attendre la moitié des années 2000 pour voir Stallone revenir à niveau, et connaître à nouveau le succès, ainsi qu’une nouvelle légitimité d’auteur, avec ‘’Rocky Balboa’’ en 2006 et ‘’John Rambo’’ en 2008.


Une suite de trop, dommageable pour la carrière de Sly et l’image de Rambo, dont les répercutions se font ressentir sur Rocky. D’ailleurs dans une interview des années 1990, Stallone ira même jusqu’à dire que Rambo a fait beaucoup de dommage à Rocky. Et ce n’est pas le cinquième volet de la saga du boxeur de Philadelphie qui releva le niveau.


Baignant dans une complaisance autoparodique, ‘’Rambo III’’ devient une facette hilarante du travail exercé par un Stallone très (trop ?) premier degrés. Et il faudra attendre vingt ans et une traversée du désert de près de dix ans pour retrouver le personnage, et en revenir à ses racines les plus concrètes : Soit un homme brisé par la guerre, qui cherche à savoir qui il est, dans un monde qu’il ne reconnaît plus.


To be continued…


-Stork._

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le 10 févr. 2020

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