C’est une triste nature humaine que l’on découvre à travers le Rashômon du génie Akira Kurosawa. Réalisé en 1950, ce film adapté de l’oeuvre éponyme de Ryunosuke Akutagawa narre l’histoire d’un crime sordide survenu pendant l’époque ancienne japonaise aux alentours du XIe siècle en pleine période d’Heian. Toshiro Mifune, acteur fétiche de Kurosawa, joue le rôle du très craint Tajomaru, véritable bandit et malfrat de son temps, se retrouvant par mégarde à l’endroit et au moment où il ne fallait pas. Le « fait divers » commence lorsqu’un bûcheron, découvre en allant chercher du bois, le corps de Takehiro, un seigneur guerrier. S’en suit alors une série de témoignages pour tenter de comprendre la vérité à propos de cette infamie.
Rashômon étonne tant par sa virtuosité technique (mise en scène, clair-obscur permanent, les magnifiques travellings dans la forêt, le boléro de Ravel revisité…) que par la qualité de son scénario : Kurosawa présente la même scène de crime sous quatre points de vue différents (celui du bandit, celui de la femme, celui du mort et celui du témoin) permettant ainsi d’amplifier son propos de base : les hommes au sens large sont de vils menteurs (si bien que même les mort se mettent à mentir). Kurosawa nous propose une introspection de l’homme à plusieurs niveaux, une étude approfondie de la complexité de ses sentiments primitifs, de la fierté à la peur, de l’amour à la haine. En plaçant le film dans son contexte de l’époque, c’est à dire dans l’après seconde guerre mondiale, l’intensité du propos prend tout son sens : l’humanité semble bornée par le mal et la vanité, incapable de produire l’honnêteté. Un voile obscur nous étouffe, à l’image de cette pluie diluvienne s’abattant sur la porte de Rashô, métaphore de l’âme humaine, elle même en ruine. Il n’est pas question de chercher la vérité à l’énigme, car aucun des personnages n’est capable de dire la vérité sans même déformer sa propre histoire.
Pourtant, une lueur d’espoir quand la pluie s’arrête.