Raspoutine, le moine fou par Etheroman
Quelle magnifique idée d'utiliser la figure de Raspoutine pour faire un film fantastique! Raspoutine the Mad Monk est une production de la Hammer, avec Christopher Lee dans le rôle titre. Les faits avérés de la vie du mystique et de son influence sur la cours impériale russe n'y sont pas repris à l'exact. Le scénario préfère forcer le trait et prêter des pouvoirs incroyables au moine. Ses traits de caractère fascinants sont accentués pour donner vie à un personnage très charismatique, une force de la nature effrayante et perverse. L'aspect politique est donc complètement effacé au profit de l'invention d'une figure maléfique typique de la Hammer. Attention donc à ne pas se tromper sur la marchandise si on souhaite visionner ce film.
Christopher Lee trouve ici un rôle formidable et haut en couleur. Raspoutine, jouisseur invétéré, boit, danse et festoie. Puis d'un instant à l'autre soigne par imposition des mains, hypnotise avec une présence extraordinaire. La dimension humaine et vicieuse du personnage le différencie des classiques Dracula et autres Frankenstein. Rapoutine se fond dans parmi le peuple et festoie avec eux plutôt que de s'enfermer dans un château ou de se cacher dans une grotte. Il est avant tout un homme des masses plein de vices et d'ambition. Il a ainsi figure humaine et n'en devient que plus dangereux et fascinant. Les acteurs qui accompagnent Lee se montrent tout à fait honorables et bien choisis.
La réalisation est soignée. On a droit à de géniales astuces de mise en scène, comme ce plan ou on assiste à une hypnose à la première personne. Le regard intense de Lee qui pose ses mains sur les yeux du spectateur et, lorsqu'il les retire, un voile brumeux s'est déposé. Magistral! Le film est bien rythmé et l'ascension de Raspoutine est très prenante. J'ai été fasciné par le personnage inquiétant crée par la Hammer. Ses machinations pour asseoir sa position et son influence sont toujours plus terrible et impitoyables faisant sans cesse monter la tension.
Une bonne partie du film repose donc sur les méfaits du mystique. Tantôt danseur de talent, abuseur de jeune fille et sorcier machiavélique. On baigne dans une ambiance fantastique, et parfois érotique (la luxure est d'ailleurs un élément biographique du personnage réel). C'est particulièrement cet aspect libidineux qui rend le personnage encore plus effrayant et crédible. Une brute épaisse mais à l'intelligence perverse à qui on aurait donné un pouvoir divin. De quoi donner froid dans le dos.
Raspoutine, le moine fou est donc un bon film de la Hammer auquel je peine à reprocher quelque chose. Il faut dire qu'il est tout à fait dans ce que j'aime. Une histoire fantastique, simple mais maîtrisée. Une ambiance exotique qui fonctionne un peu comme la Hollande du Moulins des supplices (Il mulino delle donne di pietra ) de Ferroni. A ce titre, il est intéressant de noter que Don Sharp a réalisé les deux premiers Fu Manchu, se faisant ainsi un spécialiste des anti-héros exotiques. Un côté érotique pour donner de la force au récit. Et Christopher Lee au sommet de sa forme. Le cinéma fantastique dans toute sa mesure, ancré dans la nature humaine.