On est au cœur d'un manga. La première image est graphique. On sent la pointe du crayon, les nuances de gris, les contours appuyés, les verts vifs, l'infinie profondeur de champ. D'un point de vue formel, le film est magnifique.
Real est un récit de science fiction qui permet à Kiyoshi Kurosawa de fouiller la mémoire de ses personnages, en explorer l'inconscient, travailler sur la perception de soi, des autres, du monde. Très réussie, la première partie manie le mystère avec distance et délicatesse, nous plongeant au cœur d'une enquête intime qui réussit à mêler habilement réalité et fantasmagorie.
Malheureusement, le film se perd ensuite dans un trop-plein narratif, multipliant les retournements, complexifiant sans raison un récit au final très simple. Real perd alors de vue la ligne claire qui lui servait d'horizon, et nous lâchons un peu l'affaire. Si le final est plutôt réussi, on regrette que Kurosawa n'ait pas assez maîtrisé son scénario.
Et pourtant, Real possède un incontestable pouvoir de séduction. La minutieuse structuration des plans, très architecturale, l'image très lumineuse, duveteuse, laissant place à de saisissants contrastes, les lignes de fuite qui nous ramènent au manga [les scènes à l'intérieur de la voiture, dans l'appartement, les vues de la ville, les escaliers, le hall], jusqu'aux acteurs qui semblent eux-mêmes avoir été dessinés [le personnage de Koichi principalement : visage anguleux, pieds aux formes nettes, vêtements identiques aux couleurs différentes], le superbe travail sur le son, la musique de Kei Haneoka, tout s'accorde à créer une ambiance irréelle, hypnotique, fascinante parfois.
On regrette alors d'autant plus les dérives d'un scénario manquant de rigueur, une durée mal maîtrisée, un épilogue trop long. Real aurait pu être un film magnifique, un Cronenberg japonais, une œuvre puissante et envoûtante. Au final c'est un film un peu raté mais séduisant.