Le seconde film de Zack Snyder, 300, restera dans notre mémoire l’un des plus improbables – et des plus stupides – navets que nous ayons eu le malheur de voir : il laissait mal augurer d’une « carrière » pour ce réalisateur qui semblait déjà à l’époque concentrer en lui le pire d’une « modernité » mal comprise, étalée par quelqu’un ne faisant preuve d’aucune intelligence, ni d’aucune sensibilité. Contre toute attente, et il est bon d’avoir tort quand c’est pour la bonne cause, Snyder nous livrait trois ans plus tard un Watchmen de bonne facture… sans que nous ayons compris à l’époque combien cette quasi-réussite devait à la qualité de la bande dessinée originale, un pur chef d’œuvre. La suite de la filmographie de Snyder a – logiquement sans doute – validé "le scénario 300" plutôt que "l’exception Watchmen" , frustrant même les hordes de spectateurs continuant à célébrer de manière assez incompréhensible le goût de Snyder pour les images tape-à-l’oeil, les mises en scènes pompières, les scènes d’action irréalistes et les histoires mal racontées.
Rebel Moon était à l’origine un projet de Snyder qui devait s’insérer dans la saga Star Wars, dont on connaît aujourd’hui la déconfiture aux mains de Disney. Ce projet non finalisé fut récupéré par les financiers de Netflix, toujours à l’affut d’idées pour crédibiliser leur offre par rapport au « cinéma en salles », et qui rêvaient de monter une « version Netflix » de Star Wars. Avec un budget conséquent, et une casting de qualité, Snyder allait donc pouvoir nous montrer – enfin ! – de quoi il était vraiment capable, grâce à la liberté créative que la plateforme laisse – on le sait – à ses réalisateurs.
Le fait que Rebel Moon « vienne » de Star Wars est évident dans son « scénario » : voici un Empire totalitaire qui a émergé suite à la disparition d’une famille royale assassinée, contre lequel se dressent des rebelles, qui sont traqués à travers « toute la galaxie » par une armée de nazis. Rebel Moon nous conte l’histoire de Kora (Sofia Boutella, solide et adéquate, mais sans faire aucune étincelle), ancienne militaire du régime totalitaire aux talents guerriers supérieurs, qui s’est réfugiée incognito sur une lune où ne vivent que des agriculteurs besogneux, et qui va être obligée de « reprendre du service » suite au débarquement d’une troupe de soudards menés par un leader cruel (Ed Skrein, délicieusement haïssable mais ne craignant aucun stéréotype dans son interprétation caricaturale). Comme Snyder a vu – un jour – les Sept Samouraï de Kurosawa (à moins que ça ne soit, ce qui est plus vraisemblable, les Sept Mercenaires de John Sturges), il en pique l’histoire pour la retransposer dans le cadre de sa SF à deux balles, et voilà Kora et le gentil paysan Gunnar (Michel Huisman, transparent comme toujours) qui est secrètement amoureux d’elle, partis à la recherche d’hommes de main capables de défendre leur village contre les méchants serviteurs de l’Empire.
Rebel Moon débute par une looooongue introduction, terriblement plate et maladroite (sans même parler de sa laideur visuelle !), au cours de laquelle Snyder essaie de prouver qu’il a écouté les critiques et compris qu’il faut du temps pour créer des personnages auxquels le spectateur puisse s’attacher : le problème est que cette première demi-heure découragera les fans hardcore du « maître » sans convaincre les cinéphiles, tant elle est stéréotypée et risible. Heureusement, Sir Anthony Hopkins, décidément toujours royal, fait le taf en doublant vocalement un droïde, nous offrant par là-même le seul VRAI personnage intéressant du film (mais n’ayez aucune inquiétude, on ne le verra plus pendant l’heure et demi qui suivra !).
Cette « concession » faite, Snyder revient à son mode de fonctionnement habituel, en enchaînant sans coup férir des scènes de baston ultra-violent, se déroulant dans une multitude de lieux entre lesquels nos héros se déplacent en un clin d’œil pour constituer leur fine équipe de mercenaires. On n’a plus alors la moindre seconde de répit pour comprendre qui sont ces personnages qui se rajoutent à chaque scène, auquel le film ne confère aucune identité – hormis visuelle -, aucune « chair » (même s’ils saignent abondamment !), et dont on n’a absolument rien à faire… Et ce en dépit d’acteurs normalement solides « censés » les interpréter (Charlie Hunnam, Bae Doona, Djimon Hounsou)… Le tout culminera dans un interminable combat final entre les méchants et les gentils, avec un final mi-happy end, mi-promesse d’une seconde partie (qui devrait être mise en ligne en avril 2024), qui nous laissera de glace.
On admettra que certaines visions – de paysages somptueux, de monstres répugnants – ont de la puissance, et rappellent que Star Wars, justement, a toujours été assez plan-plan dans ce domaine. On appréciera aussi le personnage de Han Solo… pardon Kai, auquel Hunnam pourrait presque conférer une belle faconde, avec son charme habituel, si… On remarquera, et c’est ironique, que la construction du film évoque fortement l’enchaînement des épisodes d’une saison de Mandalorian. Mais, globalement, on s’ennuiera gentiment devant sa télé en se goinfrant – heureusement, c’est Noël – de chocolats pour faire passer ces deux heures et quart bien longues !
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2023/12/25/netflix-rebel-moon-partie-1-enfant-du-feu-de-zack-snyder-circulez-il-ny-a-rien-a-voir/