Paradoxe temporel
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le 3 avr. 2018
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"Red Sparrow" est éminemment brillant et intelligent, d'une violence sans égale et d'une noirceur à faire pâlir les plus grands thrillers de ces dernières années. Francis Lawrence signe ici un film glacial et d'une puissance rare où il ne se contente pas de jouer avec la violence : il la manipule avec effroi et nous fait ressentir toute sa puissance petit à petit, jusqu'à l'apothéose finale, où le crescendo d'horreur prend fin et où nous pouvons enfin respirer après ce moment terriblement anxiogène.
Anxiogène. Voilà un adjectif qui pourrait bien résumer tout le film. En vérité, bien des qualificatifs le pourraient mais celui de puissant est de loin celui qui le qualifie au mieux. Ce qualificatif n'a jamais aussi bien eu sa place cette année dans un film que dans celui-ci. Nous pourrions rapporter chaque élément du film à ce mot, que ce soit par rapport à la force et la volupté de la mise en scène, la justesse et l'agressivité de la bande originale de James Newton Howard ou bien encore par rapport à la perfection de la performance de Jennifer Lawrence. Oui, la perfection, il n'y a d'autres mots plus appropriés pour qualifier l'éblouissante performance qu'elle propose ici.
Jennifer Lawrence. Elle mériterait des pages remplies des caractères les plus élogieux pour qualifier sa carrière sa performance dans Red Sparrow. Ce qui était au départ qu'une très bonne actrice parmi d'autres se révèle être une actrice exceptionnelle qui offre le meilleur d'elle-même à chaque nouvelle prestation. Elle était très bien dans les X-Men et les Hunger Games, irrésistible dans Joy, profondément émouvante dans Passengers et démente dans Mother!. Après tous ses rôles, la perfection cherchée est finalement atteinte ici, où elle dévoile encore une nouvelle facette d'elle-même qui était inconnue : une facette fascinante, où l'actrice se réinvente à chaque nouvelle scène et où elle arrive parfaitement à nous faire ressentir toutes les émotions que le film veut nous transmettre, en poussant la tension à son paroxysme et en nous déstabilisant, notamment grâce à son regard perçant, glacial et d'une noirceur sans égale.
Les regards. Ils ont une grande place dans le jeu des acteurs, en particulier dans celui de Jennifer Lawrence. Cela ne semble pas forcément flagrant au début, mais plus on y pense, plus cela sonne comme une évidence. Il y a une scène en particulier où cela saute aux yeux : la scène où Domenika est nue devant toute la classe. Le spectateur pourrait s'intéresser au magnifique corps de l'actrice et se rincer l'œil, mais quelque chose de bien plus fort interpelle : son regard, et si l'on se plonge dans le regard de l'actrice, c'est électrisant. En un seul regard, elle arrive à nous faire ressentir toute la haine et la peur que son personnage ressent à ce moment. C'est absolument fou ce qu'elle arrive à nous faire ressentir. Elle nous retourne le cerveau et en un instant, elle sait être mystérieuse et énigmatique, parfois vide, laissant uniquement transparaître son charme qui nous laisse bouche-bée face à l'écran.
Quant au reste du casting, on pourrait résumer leur efficacité à un seul détail : on ne voit d'autres acteurs pour incarner leurs rôles et cela constitue toute la force de leurs performances. En effet, nul autre acteur aurait pu remplacer Matthias Schoenaerts et incarner un meilleur oncle sans pitié que lui, aucune autre actrice aurait pu interpréter une meilleure professeure que Charlotte Rampling, aucun autre acteur aurait pu être aussi énigmatique que Jeremy Irons, aucune autre aurait pu être aussi juste que Joel Edgerton dans ce rôle-ci. Chaque acteur est essentiel à la réussite du film, ils apportent tous leur grain de puissance au film et c'est grâce à cela que l'on se rend compte de l'excellence de leurs interprétations respectives.
Ces formidables interprétations amènent à parler de la direction des acteurs et donc de la réalisation de Francis Lawrence. Disparu des radars après la conclusion de la saga Hunger Games, le réalisateur revient en ce début d'année en adaptant le best-seller de Jason Matthews qui avait connu un beau succès aux États-Unis. Ces quelques années de recul ont donc permis au réalisateur de porter à l'écran cette histoire aussi ingénieuse que complexe, où il démontre encore une fois ses talents de réalisateur, en faisant part d'une maîtrise quasiment parfaite de ses acteurs, ainsi qu'un sens de la réalisation remarquable, permettant ainsi la transmission de toutes ces émotions à travers ses acteurs. Brillant.
Enfin, un petit mot sur la musique de James Newton Howard, ce formidable compositeur qui n'a jamais déçu propose une musique très en phase avec le film, tantôt froide, tantôt agressive ou encore étonnamment douce lorsque la scène s'y prête et ces changements de tons sont opérés avec une malice impressionnante.
En somme, Red Sparrow est un plaisir cinématographique entier où le spectateur assiste à un spectacle grandiose, jubilatoire, surprenant et ô combien angoissant, à un triomphe à bien des égards, à un des meilleurs films de l'année.
9/10
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le 15 avr. 2018
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