Me basant sur l'affiche, ce qu'il ne faut jamais faire, je pensais assister à ce genre de film policier où un couple amoureux subit la malveillance de cet œil d'or inquiétant qui semble les épier.
Je ne pouvais pas deviner que John Huston, le meilleur spécialiste mondial des aventures qui tournent mal, était suffisamment pervers pour nous confiner sur une base militaire de Géorgie avec pour compagnie des personnages frustrés, névrosés, obsédés qui s’attirent, se séduisent tout en s'évitant.
Sans doute les torts sont-ils partagés avec la romancière anticonformiste injustement oubliée Carson McCullers dont le film est, paraît-il, une fidèle adaptation du roman.
« Il existe dans le Sud un fort où, voici quelques années, un meurtre
fut commis. Les acteurs de ce drame furent deux officiers, un soldat,
deux femmes, un Philippin et un cheval.
La chaleur poisseuse du Sud, la promiscuité d'un fort militaire avec ses rapports d'autorité et de soumission, l'attente absurde semblable à celle du Désert des Tartares mais marquée par une sexualité exacerbée et une violence sous-jacente forment les ingrédients chimiques de la réaction en chaîne annoncée par la citation liminaire, sous l’œil placide du cheval Oiseau-de-Feu et les manières guindées du domestique Anacleto.
Pour ce qui est de la sexualité on a droit à un florilège digne d'un manuel de sexologie : la nymphomanie de Léonora (Elizabeth Taylor n'aimant vraiment que son cheval, véritable chatte en chaleur sur un fort brûlant), le voyeurisme et l’exhibitionnisme du palefrenier Williams (le Robert Foster de Jackie Brown) qui chevauche « innocemment » nu sur son cheval, la frustration proche de la folie d’Alison l'épouse trompée (Julie Harris de la Maison du Diable) et surtout l’homosexualité refoulée du Major Penderton (un Marlon Brando très convaincant en capitaine psycho-rigide ridicule, incapable de monter même sur son cheval), le tout combiné avec les espoirs massacrés des uns et des autres pour aboutir au drame final.
Certes le romanesque et l'accumulation inventive excluent en grande partie la vraisemblance. Mais quel étonnement de voir ce Reflet dans un œil d'or filmé dans une couleur ambre miel, où les acteurs du drame, comme enchaînés à leurs fantasmes, semblent portés par une fatalité racinienne qui les dépasse ! Un mélange de pathétique, de grotesque, de trouble, rare dans le cinéma américain…