« Une année, un film » : Règlement de comptes, réalisé par Fritz Lang et sorti le 14 octobre 1953.
Juste après Le Port de la Drogue, voici un nouveau film noir dans ce voyage dans l’histoire du cinéma. Cette fois-ci, c’est un réalisateur au passé fourni en réussites cinématographiques qui est derrière la caméra : Fritz Lang. Celui qui a réalisé Les Nibelungen, Docteur Mabuse, Metropolis ou encore Espions sur la Tamise est ici au cœur de sa période hollywoodienne et rempile avec un film de haute facture.
L’inspecteur Bannion est chargé d’enquêter sur le suicide de Tom Duncan, un autre policier, qui a écrit une dernière lettre dénonçant la très forte influence de la mafia, et notamment de Mike Lagana, le chef de celle-ci. Bannion découvre alors que tout le système qui l’entoure est gangréné par la corruption. Rapidement, il est animé par la volonté de tirer tout cela au clair, et de confondre les gangsters en justice. C’est également un père de famille soucieux de l’avenir de sa fille, qu’il ne veut pas voir évoluer dans un monde mis en danger par les mafias.
Au cours de son enquête, les supérieurs et collègues de Bannion tentent de le dissuader d’aller plus loin. Mais il ne veut pas lâcher l’affaire, et poursuit malgré les menaces. Un jour, sa femme est tuée dans l’explosion de sa voiture. Cette fois, il n’y a plus de justice qui tienne, sinon la sienne. Le film s’intéresse donc au désir de vengeance de Bannion, et sa quête en solitaire face aux gangsters.
Techniquement et esthétiquement, Règlement de comptes reste un film noir des plus classiques. Il reprend tous les codes du genre, avec l’opposition entre policiers et gangsters, la présence d’une femme de caractère, une ambiance particulière, l’intrigue se déroulant généralement la nuit, le tout avec, comme d’habitude, des dialogues très travaillés. En soi, il semble donc qu’il n’y a pas de point particulier à retenir concernant ce film. Mais pourtant, il parvient à se distinguer de ses pairs.
Là où Règlement de comptes parvient à surprendre le spectateur, c’est par la violence qui s’en ressent. Fritz Lang est sans pitié avec ses personnages, et on assiste, lors de certaines scènes notamment, comme le jet de café brûlant, ou l’explosion de la voiture, à des scènes d’une violence physique et psychologique assez rare pour cette époque où tout restait généralement du domaine de la suggestion. Règlement de comptes nous expose un monde sans foi ni loi, où la sécurité et la confiance sont des notions bien détachées de cette réalité à part.
Cette violence est notamment personnifiée par le personnage de Vince, incarné par Lee Marvin. Gangster au tempérament explosif et terriblement imprévisible, il incarne à merveille cette froideur colérique qui habite le film, et c’est d’ailleurs Règlement de comptes qui révèlera cette nouvelle gueule d’Hollywood, que l’on retrouvera dans des rôles plus ou moins semblables dans A bout portant (1964) et Point de non-retour (1967).
Règlement de comptes est donc un excellent film noir, en avance sur son temps, tant par son style que par sa violence assez inédite pour l’époque. En la plaçant au cœur des intérêts de ses personnages, Fritz Lang les transforme, remettant en questions les principes de la justice et de la confiance. Dans ce bas monde, il n’y a pas de réel héros, juste des hommes et femmes aux mains salies qui livrent une guerre sempiternelle et sans merci, où le crime ne dort jamais. Pour conclure, je le recommande vivement aux amateurs de films policiers, voire d’action, car Règlement de comptes est un film assez intense et moderne, qui s’apprécie aisément avec les charmes de l’époque.
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